vendredi 13 novembre 2015

Crazy kung-fu (Stephen Chow, 2004)

 
Trois ans après le génial Shaolin soccer, Stephen Chow remettait ça dans le tout aussi génial Crazy kung-fu. Nous somme à la fin des années 1930 à Shanghai (un lieu et une période adorée de Tsui Hark). On y découvre le gang des haches (une arme vue dans chacun des films de Stephen Chow, ici tout le temps présente), une armée de gangsters qui fait régner la loi dans les rues et dans le commissariat. Le chef du gang c'est Frère Sum (Danny Chan, celui qui interprétait le gardien de but dans Shaolin soccer), qui avec ses fringues classes – mais ses dents pourries – entend rester le maître de Shanghai. Il exécute tous ceux qui sont en travers de son chemin. Chow les filme comme dans un vieux film américain (disons pour simplifier Scarface de Howard Hawks, ou un James Cagney).

Autre lieu et autre milieu, celui de la Porcherie et sa pauvreté. La Porcherie est, si l'on ose dire, une résidence tenue par la proprio (Yuen Qiu) et son mari (Yuen Wah). Lui est faible et lâche, il profite de sa position sociale pour abuser de la gentillesse des locataires. Elle est grossière, toujours une clope au bec, elle tire la gueule. C'est une maîtresse femme qui ne s'en laisse pas compter. Ainsi quand Sing (Stephen Chow) et son comparse Bone (Lam Tze-chung) arrivent dans la Porcherie en se faisant passer pour des membres du gang des haches, elle file une raclée à Sing. Arrive alors pour de vrai, le gang des haches. Il menace toute la communauté de la Porcherie, notamment une mère et son enfant que Sum s'apprête à immoler. Mais trois locataires s'avèrent être des experts en arts martiaux et défont les gangsters. Dès lors, la Porcherie est en grand danger.

La grande idée de Stephen Chow de prendre son temps pour présenter les locataires de la Porcherie. On est même étonné que son propre personnage n'apparaisse qu'au bout d'une douzaine de minutes. Chow, le réalisateur, laisse – provisoirement – Chow l'acteur de côté pour mieux faire savourer sa galerie de personnages qui semblent tout droit sortis d'un film italien : entre Miracle à Milan de Vittorio de Sica et Affreux sales et méchants de Ettore Scola. C'est magnifique de tendresse et de drôlerie. Il faut dire que la galerie de gueules chez Stephen Chow a toujours été jouissive. Le coiffeur qui montre la raie des fesses, le tailleur homo, la bimbo aux dents de lapin. Tous concourent à rendre Crazy kung-fu hilarant. La première partie du film leur est consacrée avant que le personnage de Stephen Chow ne reprenne la place centrale du récit.

L'abondance de gags et de trouvailles est l'atout majeur du film. La poursuite entre la proprio et Sing qui évoque un Tex Avery. Stephen Chow propose un large panel de motifs de comédie : de la logorrhée verbale au comique de situation en passant par les nombreux gags visuels. L'humour fonctionne essentiellement grâce aux duos d'acteurs : Sing et son gros comparses (deux tocards), les proprios (qui cachent bien des choses), Sum et son lieutenant (la scène de la voiture où Sum veut observer les musiciens est magnifique). Aucun n'est réellement à sa place ce qui crée des glissements comiques savoureux. Stephen Chow se soucie moins dans Crazy kung-fu du personnage féminin qui pourrait lui fournir une histoire d'amour.

L'humour ne vaudrait pas grand chose sans l'extrême rigueur esthétique du film. Stephen Chow s'offre aussi un sublime moment de poésie avec les deux musiciens aveugles venus tuer les gens de la Porcherie. Le film regorge aussi de combats chorégraphiés par Yuen Woo-pinget Sammo Hung. Ils sont autant de morceaux de bravoure. Stephen Chow mélange allégrement les effets spéciaux et les combats à l'ancienne. Les scènes sont d'une grande lisibilité, Chow privilégiant les longs plans – parfois fixes, bien loin d'une mise en scène épileptique. Ce qui passionne aussi est la volonté de Stephen Chow de ne pas céder à la tentation du jeunisme et du vedettariat à tout crin. Yuen Qiu, Yuen Wah et Bruce Leung n'étaient pas à la mode dans le cinéma de Hong Kong. C'est aussi pour cela que Crazy kung-fu est passionnant et différent.















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