Jusqu'alors,
le cinéaste préférait situer ses récits dans le Shanghai des
années 1930 (Shanghai Blues,
The Raid)
ou dans la période juste après la chute de l'Empire (Pekin
Opera Blues) et parfois à la
fin du 19ème siècle (Il était
une fois en Chine). Avec La
Bataille de la montagne du tigre,
Tsui Hark installe pour la première fois son récit dans la guerre
civile chinoise qui voit s'affronter l'ALP (Armée de Libération du
Peuple, soit les partisans de Mao Tse-toung) et le KMT (Kuo Min Tang,
les Nationalistes chinois, soit les soldats de Tchang Kai-chek). Le
film est situé dans l'hiver 1946. Qui dit récit avec des camarades
communistes, dit récit édifiant. Et tout l'intérêt du film de
Tsui Hark est de le voir s'amuser à faire exploser les poncifs
constitutifs du film de propagande.
A
commencer par le héros, nommé pendant tout le film Capitaine 203
(Lin Gengxin) qui doit faire face à la faim grandissante de ses
soldats. Les hommes ont beau être valeureux, le froid n'arrange pas
les choses. Quand ils repèrent des soldats ennemis dans une gare,
ils vont les cerner tout autant pour les défaire que pour se servir
de leur ration de nourriture. La bouffe, c'est bien, mais pas aussi
héroïque que les munitions dont ils s'emparent. Car un ordre de
mission va bientôt arriver par train. Et deux nouveaux personnages
bien plus hauts en couleur que le gentil 203. Yang Zirong (Zhang
Hanyu) est un homme dans la trentaine, avec un sourire narquois qui
déplaît beaucoup à 203. Il est accompagné de Bai, une infirmière.
Ce qui va plaire aux soldats, c'est surtout que Yang est venu avec de
quoi manger.
Assez
vite, les méthodes de Yang, tout comme sa popularité au sein du
groupe, vont s'opposer à 203, mais Tsui Hark préfère donner à
Yang le rang de personnage principal. Son charisme la pousse à
partir affronter seul le terrible Hawk (Tony Leung Ka-fai), seigneur
de guerre qui vit dans une fort militaire construit jadis par
l'armée japonaise. 203 voudrait faire les choses dans les règles de
l'art de la guerre, et on l'a vu défaire les ennemis dans la
deuxième séquence. (La première séquence se situe de nos jours
pour valoriser youku, l'un des producteurs du film). Mais il doit se
rendre compte qu'aller avec 30 hommes attaquer Hawk, qui en a 3000,
n'est pas judicieux. Yang a un plan pour s'infiltrer chez Hawk, il
veut offrir le plan des postes avancés en se faisant passer pour un
ennemi de l'ALP.
L'idée
absolument géniale dans La
Bataille de la montagne du tigre
est de soigner tout particulièrement le personnage du méchant et de
retarder le plus possible son arrivée. Tony Leung Ka-fai s'en donne
à cœur joie dans son personnage dont on ne découvrira pas
immédiatement le visage (l'acteur est méconnaissable). Comme dans
un film d'horreur classique, Tsui Hark suggère d'abord tout
l'ignominie du personnage. On avait vu ses mercenaires massacrer le
village masqués de peau de bête, on avait découvert les sorts
qu'il réserve à ceux qui n'ont pas la bonne idée de le servir
idéalement (nus, ils sont aspergés d'eau qui les fait se geler sur
place, d'autres sont attachés dehors comme s'ils étaient des
chiens), on va découvrir comment il gère son petit monde.
Avant
son apparition, il faut que Yang passe par quelques étapes. Ce sont
les lieutenants de Yang qui entourent l'homme dans un accueil peu
cordial. Ils se considèrent comme des frères, dans la grande
tradition des triades. On imagine que Grand Frère est le premier à
avoir rejoint Hawk et que Frère 8 est le plus récent. Ce sont leurs
accoutrements, (tatouages, tenues excentriques), tout autant que
leurs comportements (caprices, impulsivité et langage fleuri) qui
déterminent ces personnages. Assez vite Yang se fait un ennemi,
Frère 5 qui cherche constamment à lui tendre des pièges. Il trouve
cependant un soutien. Et tout le film tient dans le suspense de ces
pièges que Yang se fait un malin plaisir de déjouer. Il découvre
aussi une femme que l'on croit vénéneuse mais qui est la
prisonnière de Hawk.
Depuis
Zu les guerriers de la montagne
magique, Tsui Hark cherche,
élabore et fignole ses effets spéciaux. La
Bataille de la montagne du tigre
a été tourné pour être vu en 3D. Il filme les balles qui volent
et le sang qui gicle dans la neige dans les deux premières
batailles. Rien de bien neuf mais c'est très efficace. Plus amusante
est l'attaque par un tigre en pleine forêt. Yang doit faire preuve
de souplesse digne d'un artiste martial qui défierait les lois de la
gravitation. Le morceau de bravoure est constitué par la longue
bataille qui donne son titre au film. Tsui Hark se paie même le luxe
de tourner deux fins à son film, l'une conforme aux faits réels
(peut mieux faire), l'autre époustouflante (la fiction est toujours
meilleure que la réalité). Quand le spectacle est constant, le
spectateur est content (proverbe cantonais).
Captures
d'écran effectuées à partir du DVD Metropolitan.
1 commentaire:
Tout à fait, c'est un formidable film d'aventures, populaire
dans le sens noble, qui acceptent tous les publics et leur
procure, je crois, un égal plaisir.
Le méchant est une franche réussite, et son entrée retardée
dans le film une source de jubilation supplémentaire.
Un regret : n'avoir pas pu le voir en 3D. Ce n'est pas courant.
Une émerveillement : Tsui Hark continue toujours à avoir
autant d'idées, de trouvailles inédites, comme au début de
sa carrière. Un modèle d'enthousiasme et
d'amour du septième art.
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