Samuel
Fuller a tourné J’ai
vécu l’enfer de Corée
et Baïonnette
au canon,
coup sur coup, sur un format identique (unité d’action, de
lieu et de temps) et se déroulant tous les deux pendant la guerre de
Corée, les deux films se ressemblent mais sont totalement opposés.
Samuel Fuller expliquait qu’il avait tourné Baïonnette
au canon sur un pari de
son producteur Darryl F. Zanuck (de la Fox) de reproduire exactement
le même film : un groupe d’hommes isolés et sans présence
féminine. Au centre des deux films, un même acteur (Gene Evans) à
l’air bourru, cigare au bac, barbe épaisse du soldat baroudeur qui
en a vu d’autres. Les titres originaux invoquent la défense (le
casque d’acier) et l’attaque (la baïonnette au canon) et
expriment déjà la différence entre les deux films.
Quelques
soldats d’infanterie sont envoyés en embuscade pour contrer une
éventuelle avancée des Nord Coréens. L'ennemi est invisible et
frappe quand il veut, comme le montre la scène d'ouverture où une
jeep est attaquée. Le milieu est hostile. Située en plein hiver,
l’action se fait dans des rochers recouverts de neige ou dans une
grotte humide qui sert aux soldats d’abri. Le film joue très
habilement sur le suspense de cette situation en posant une seule
question : quand les ennemis coréens vont-ils attaquer ?
Eux connaissent parfaitement le terrain alors que les Américains
souffrent du froid et ont peur. Ce qui est intéressant est que
l’ennemi rouge est indéterminé. Contrairement à J’ai
vécu l’enfer de Corée, les
adversaires ne sont pas des personnages mais un ensemble. Si les
asiatiques peuvent s’exprimer dans J’ai
vécu l’enfer de Corée,
il n’en sera pas du coup le cas dans Baïonnette
au canon. Les rares
dialogues qu’ils ont ne sont pas sous-titrés et peu importe
d’ailleurs, car leur stratégie est celle de l’épuisement des
GIs. Il ne personnalise plus car c’est l’idéologie qui est
l’ennemie.
A
vrai dire, si ce n’est dans le carton introductif du film, jamais
les mots « Corée » et « Coréens » ne sont
employés. Le film se déroule en Asie. Les soldats américains
utilisent toutes sortes de termes pour parler de leurs ennemis, y
compris le mot « Chinois », notamment lorsque les soldats
en face d’eux jouent de la corne pour décontenancer les GIs. Ce
sont bien des idéogrammes composites qui sont lisibles dans une
scène où une jeep est abattue et non du coréen. La bataille dans
Baïonnette
au canon est difficile
et les chefs d’escadron se succèdent. Ils se donnent le titre de
« ichi-ban », mot japonais signifiant « le
premier ». C’est d’une certaine manière, un moyen
d’exprimer la contamination du mal rouge tel que le craignait les
Etats-Unis alors. Ce qui n’empêche nullement Samuel Fuller à la
fois de mettre en scène un suspense éprouvant pour le spectateur
(la scène nocturne où Gene Evans va sauver un camarade) et de
dénoncer la guerre sans l’air d’y toucher. En fin de film, on
peut apercevoir James Dean dans le rôle d'un soldat, il a même une
phrase de dialogue.
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