samedi 7 novembre 2015

J'ai vécu l'enfer de Corée (Samuel Fuller, 1951)

 
Samuel Fuller a tourné J’ai vécu l’enfer de Corée et Baïonnette au canon, coup sur coup, sur un format identique (unité d’action, de lieu et de temps) et se déroulant tous les deux pendant la guerre de Corée, les deux films se ressemblent mais sont totalement opposés. Samuel Fuller expliquait qu’il avait tourné Baïonnette au canon sur un pari de son producteur Darryl F. Zanuck (de la Fox) de reproduire exactement le même film : un groupe d’hommes isolés et sans présence féminine. Au centre des deux films, un même acteur (Gene Evans) à l’air bourru, cigare au bac, barbe épaisse du soldat baroudeur qui en a vu d’autres. Les titres originaux invoquent la défense (le casque d’acier) et l’attaque (la baïonnette au canon) et expriment déjà la différence entre les deux films.

Dans J’ai vécu l’enfer de Corée, le personnage de Gene Evans est d’abord un soldat solitaire qui cherche à rejoindre son régiment d’infanterie. Les mains liées par l’ennemi, laissé pour mort, il sera secouru par un gamin coréen (William Chun). Montré d’abord marchant pieds nus, tenant son fusil, le gamin est peut-être un ennemi prêt à abattre le soldat américain. Un gros plan sur son visage fermé n’exprime pas non plus de compassion d’autant que la musique se fait dramatique. Mais le petit dit « South Korean », sourit et libère le GI. Le jeune Coréen parle plutôt bien anglais. Le soldat essaie d’abord de le chasser, mais le gamin s’incruste, le suit. Il lui fournit un casque afin de le protéger des balles des Nord coréens. Un dialogue s'établit entre eux deux, sur un mode tout à la fois touchant et comique. La rudesse de Gene Evans est atténuée par la douceur du gamin. L’ennemi « rouge » peut être partout, y compris déguisé en moins, comme ils vont s’en apercevoir bientôt.

Le soldat et le gamin vont rencontrer d’autres soldats avec lesquels ils vont faire troupe. Ils croiseront des Coréens qui fuient la guerre et iront se réfugier dans un temple bouddhiste. Là, la confrontation avec l’ennemi se fait plus intense. Un communiste s’est en effet caché dans le temple (ces gens-là, des athées, ne respectent donc rien), d’autres Coréens sont en embuscade à l’extérieur et abattront le gamin si sympathique. Le film accentue la lâcheté des « rouges », leur caractère impitoyable de machines de guerre qui ne respectent ni Dieu ni les enfants. En somme, Samuel Fuller les montre comme des bêtes. Finalement, le sniper caché (Harold Fong) est fait prisonnier. Le regard fuyant, sale et petit (en comparaison avec la taille des soldats américains), il sera filmé de manière inverse du gamin, lumineux, joyeux et dans l’action. Le Coréen communiste cherchera aussi à provoquer un soldat américain (Richard Loo), l’accusant de traîtrise à de la couleur de sa peau : c’est un asiatique, il ne devrait pas soutenir les Etats-Unis. Mais pour Samuel Fuller, la cause est plus importance que l'origine ethnique et la couleur de peau, comme le montre l'un des derniers plans après la bataille finale et meurtrière dans le temple.











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