Le
film noir psychologique a eu son heure de gloire. Il s'agissait
d'analyser les racines du mal par la psychiatrie. De manière
littérale avec un médecin qui explique la psychose de Norman Bates
chez Hitchcock ou de manière plus détournée quand un journaliste
enquête (Le Mur invisible d'Elia Kazan, L'Invraisemblable
vérité de Fritz Lang) et souvent tout simplement en
s'immergeant dans un asile de fous, comme on ne dit plus (La Toile
d'araignée de Vincente Minnelli ou Shock corridor de
Samuel Fuller).
Dans
Le Génie du mal, l'analyse psychiatrique passe par le film de
procès et la présence de Jonathan Wilk (Orson Welles qui n'arrive
que dans le dernier tiers bien que son nom apparaisse le premier au
générique), l'avocat de deux jeunes génies, Judd Steiner (Dean
Stockwell) et Artie Strauss (Bradford Dillman) accusés du meurtre
d'un adolescent. Le film se passe à Chicago en 1924 dans un milieu
très fortuné. Mais avant le procès et la plaidoirie du personnage
d'Orson Welles, Richard Fleischer présente ces deux amis.
Judd
est le plus jeune (18 ans), porte toujours une cravate et garde
constamment un air sérieux. En cours, il contredit sans cesse son
professeur, citant Nietzsche comme référence ultime et vivant au
milieu des animaux empaillés. Il ne s'entend pas avec son frère Max
qui lui reproche son amitié avec Artie, 19 ans, qui lui porte un
nœud papillon. De tempérament jovial, il a le sourire large et
moqueur. Contrairement à Judd, Artie a beaucoup d'amis avec qui il
sort en boite de nuit écouter du jazz, il boit de l'alcool malgré
la prohibition.
Les
deux jeunes hommes ont des rapports controversés et on imagine qu'il
est difficile pour un film de 1959, comme pour Alfred Hitchcock avec
La Corde en 1948, de décrire ce qui se passe entre eux. Les
regards qu'ils se lancent (Dean Stockwell joue très intensément),
leur relation exclusive (Judd n'a pas d'autres ami que Artie et
refuse de le partager) et l'autorité qu'exerce l’aîné sur son
cadet (qui attend qu'Artie lui ordonne d'accomplir ses actes) ont
tout des rapports amoureux. Quand Judd tente de séduire une fille,
il affirme qu'il ne peut pas et file rejoindre Artie.
On
ne verra jamais le crime qu'ils commettent, tout reste hors champ.
Ils le commettent au nom de leur super intelligence, ils se
considèrent comme des hommes supérieurs et à ce titre ont le droit
de le faire. Telle est leur explication d'une arrogance folle. Artie
joue même avec le feu, allant à la rencontre des enquêteurs et du
procureur. Il joue au chat et à la souris avec eux, et bien-entendu,
il pense être le chat. Le procureur (E.G. Marshall) est de la même
trempe et tend un piège aux deux garçons qu'il espère voir au bout
d'une corde.
Le
finale est un plaidoyer contre la peine de mort, ce qui en 1959,
relève de l'exploit. Cette fin est entièrement consacrée au
procès, avec pratiquement uniquement Orson Welles à la barre sans
être vraiment contredit par le procureur, le réalisateur choisit
son camp. D'autant qu'Orson Welles joue un avocat que l'on présente
comme athée, autre abomination pour l'époque, presque pire qu'être
communiste. C'est ce qui s'appelle un film progressiste, même si la
démonstration ne se fait pas parfois sans une certaine lourdeur et
des arguments massue.
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