lundi 8 mai 2017

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (Robert Aldrich, 1962)

Regarder Qu'est-il arrivé à Baby Jane à l'aune de la mini-série télé Feud, c'est se remémorer les anecdotes racontées pendant le tournage et les confronter au film de Robert Aldrich. La série déploie dans ses premiers épisodes tout un lot de petites histoires où Joan Crawford, incarnant Blanche Hudson, et Bette Davis jouant Jane Hudson, se font des chamailleries de vieilles dames indignes. C'est le jeu si opposé des deux actrices qui frappe dans Qu'est-il arrivé à Baby Jane. Joan Crawford joue avec calme l'inquiétude. Bette Davis a choisi de se grimer en petite fille, des bouclettes blondes, un visage entièrement recouvert de fond de teint (et un petit cœur sur la joue gauche en guise de mouche) et une robe comme celle qu'elle portait lorsque Baby Jane était une enfant.

En 1917, quand commence le récit, Baby Jane était une vedette du vaudeville, elle chante avec son père sur scène des chansons bien propres, bien gentilles, devant un public familial nombreux et conquis et sous les yeux jaloux de Blanche. Jane si gentille sur scène, sage comme une image, est odieuse en coulisse, insultant son père qui refuse de céder à ses caprices. Le film se poursuit en 1935. Blanche est devenue une star du cinéma. Des extraits des films de Joan Crawford illustrent cette gloire tandis que Jane n'est jamais parvenue à devenir une actrice crédible. Seul le contrat de sa sœur permet à Jane d'avoir des rôles. Elles partagent la même maison, celle-là même où Blanche se fait emboutir par leur automobile et la rend handicapée, elle ne peut plus se déplacer qu'en fauteuil roulant et leur carrière cinématographique est terminée.

Un carton annonce « yesterday » pour commencer l'histoire contemporaine (au bout d'un petit quart d'heure). Une maison dans un lotissement, une bâtisse bien banale, où les deux sœurs habitent désormais. Les chambres sont à l'étage et Jane sert de bonne à Blanche. Le rituel est, chaque jour, identique, Jane prépare le repas dans la cuisine, le pose sur un grand plateau, gravit l'escalier avec un air affligé et nonchalance, elle dépose le plateau sur un meuble, ouvre la porte de la chambre de sa sœur et lui apporte sur la table de la chambre. Avec un grand dédain et un dégoût ostentatoire, Jane sert Blanche. Pour l'humilier, par deux fois, Jane donnera à manger des animaux crevés, l'oiseau qui sert de compagnie à Blanche et un rat. Jane prend un plaisir non feint à torturer Blanche, le rire sardonique qu'elle jette dans le couloir devait glacer d'effroi les spectateurs.

Il est clairement indiqué dans la série que Robert Aldrich cherchait à tourner un thriller, un film d'horreur comparable au Psychose d'Alfred Hitchcock. C'est sans doute pour cela que les voisines (la mère incarnée par Anna Lee et sa fille jouée par Barbara Merrill, la fille de Bette Davis) ont pour nom de famille Bates, comme Norman. Elles sont la métaphore du spectateur saisi, comme elles, d'effroi devant le sort réservé à la pauvre Blanche. Deux personnages parviennent à pénétrer dans la maison des Hudson, Elvira (Maidie Norman) la bonne qui prend parti pour Blanche (Jane l'éliminera) et Edwin (Victor Buono), un musicien grassouillet, velléitaire et paresseux que Jane engage pour le come-back dont elle rêve. Robert Aldrich répète à l'envi les scènes choc, la tension entre les deux vieilles sœurs, avant de plonger dans la folie furieuse et ricanante de Jane. Le jeu de Bette Davis surpasse de très haut celui de Joan Crawford.




























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