L'affiche
de Get out a des points de ressemblance avec celle I am not
your negro, un noir et blanc contrasté, des yeux en gros plan,
le titre en gros caractères. Je ne suis pas certain que cela soit
fait exprès mais les deux films ne sont pas si éloignés l'un de
l'autre, il parlent de la même chose : qu'est-ce qu'être un
Afro-Américain dans un environnement entièrement composé de
Blancs ? C'est le premier film (réussi) de Jordan Peele,
comique américain, dans un de ses sketchs, il joue Barack Obama
tandis que son comparse Keegan-Michael Key hurle tout haut ce que
Obama n'oserait jamais dire (Key a également fait ce personnage avec
le Président en chair et en os)
Barack
Obama, il en est question très vite, dans cette entrée en matière
qui évoque Devine qui vient dîner. Jeune photographe (des
images en noir et blanc), Chris (Daniel Kaluuya) est invité à
rencontrer les parents de sa petite amie Rose (Allison Williams). Ils
sont très progressistes, rassure la jeune femme, nous ne sommes plus
au temps de Spencer Tracy et Katharine Hepburn. Le papa (Bradley
Whitford) a voté deux fois pour Barack et s'il le pouvait, il
voterait une troisième fois pour lui. D'ailleurs, quand Chris le
rencontre, il ne manque pas de lui dire. La maman de Rose (Catherine
Keener) est enchantée de rencontrer Chris et découvre aussitôt
qu'il est en manque de cigarettes, elle propose de lui enlever cette
envie (elle est psychiatre).
La
comédie dans l'air du temps de l'ère Obama décrit la place de cet
homme noir au milieu de l'Amérique blanche. Chris est mal à l'aise,
fort gêné par les deux domestiques noirs, un jardinier et une
cuisinière à l'air apathique, aux attitudes trop étranges, au
service trop inadéquat pour ne pas cacher quelque chose. C'est par
ces petites touches, un peu comiques il faut le reconnaître, que
Jordan Peele commence à lancer sa machine à dérégler cet
environnement si propre sur lui. Lors d'une scène nocturne où Chris
sort fumer une cigarette, le cinéaste s'amuse à faire sursauter le
spectateur (la cuisinière passe subrepticement dans le couloir, le
jardinier court vers l'invité sans raison), ce sont des pures
concessions à l'effroi plus profond et plus pervers vers lequel
Jordan Peele veut nous amener.
Une
simple tasse de café fait basculer le récit vers un au-delà
mental, vers une obscurité indécise et une garden party où Chris
est présenté à toute la famille et aux amis des parents de Rose.
La voie pour faire sombrer son héros vers l'horreur prend un tour
sans effet tonitruant. La terreur vient de l'étrangeté du
comportement de ses hôtes, de Jeremy le jeune frère de Rose, de
cette vieille dame accompagnée d'un jeune homme, de ces vieux
messieurs au si grands sourires. Le sourire dans Get out est
la paroxysme de la terreur, tout comme la gentillesse de chacun
envers Chris, les pas lents des personnages remplacent la furie vue
dans tellement de films d'horreur. On est un peu dans ces sociétés
souvent décrites dans Chapeau melon et bottes de cuir, des
mondes policés mais destructeurs. Ce monde d'illusions est à
l'opposé des photographies de Chris, un monde trop beau pour
vraiment exister et qui va chercher à engloutir le jeune homme.
1 commentaire:
Un remarquable film d'horreur, tout en choix intelligents et
économie des effets.
Il y avait longtemps qu'on avait pas vu cela dans une
salle de cinéma.
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