Jaguar,
c'est l'histoire de trois mecs du Niger qui décident de partir en
Gold Coast, aujourd'hui le Ghana. Lam est Peul, il est gardien de
vaches dans la brousse, Ilo connaît le fleuve comme sa poche et sait
conduire les pirogues pour pêcher et chasser l'hippopotame, Damouré,
à la coiffure parfaite, se définit comme un galant, il admire
toutes les femmes. Jean Rouch est allé les filmer en 1954, avant la
décolonisation et le film est sorti en 1967.
Avant
le départ, il faut consulter l'imam et faire un tour à la Mosquée.
Il faut prendre conseil auprès du chef de village. Pour compléter,
il faut rendre hommage aux fétiches et rencontrer le marabout. Pour
s'assurer les bonnes augures, ils sacrifient un vautour qui n'en
demandait pas tant. Le marabout lit dans les étoiles et leur dit que
le voyage sera très difficile, qu'ils devront se séparer dès le
premier croisement passé dans le Gold Coast.
Le
voyage dure un mois et cinq jours disent les amis. La bande sonore
composée des commentaires des trois amis est d'un humour et d'une
ironie particulièrement plaisants où ils se chamaillent, s'envoient
de gentilles vannes, commentent ce que le spectateur voit comme un
retour sur leur parcours à pieds à travers la brousse et le désert.
C'est un voyage vers l'eldorado et leur ton est plein d'espoir mais
d'une analyse profonde.
Ainsi
lorsqu'ils se retrouvent à la frontière, le fanfaron Damouré va
voir les douaniers qui refusent qu'ils rentrent au Ghana. Dans son
commentaire, il traitent les douaniers de couillons et on voit les
trois amis contourner le poste de police pour se rendre dans le Gold
Coast par la plage. Auparavant, sur le même ton mais dans une visée
ethnographique de Jean Rouch, ils ont croisé une tribu qui vit
entièrement nue.
Comme
promis, ils se séparent au premier croisement de route. Chacun va
suivre son destin et chercher à trouver du travail. Sans papiers,
dans un pays qui parle et écrit anglais et sous domination
britannique, ils font des petits boulots. Travailler dans une mine
d'or, sans doute la séquence la plus critique du colonialisme « ils
nous volent notre or les anglais pour le mettre dans une banque, ça
se mange pas l'or ».
Dans
le bidonville d'Accra, avec Douma, un quatrième larron, ils créent
une boutique « Petit à petit l'oiseau fait son bonnet ».
Ils se font un peu d'argent pour rentrer au pays pour la saison des
pluies. Pendant ce temps, ils se promènent en ville, ils observent
les élections et Damouré photographient les candidats. Le retour se
fait en camion, un voyage difficile, avec plein d'autres expatriés,
sous les orages, rackettés à la frontière de Haute Volta. Mais ils
reviennent en héros modernes.
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