mardi 16 mai 2017

La Pyramide humaine (Jean Rouch, 1960)

Paris, Champs-Elysées, deux amies, Denise l'Africaine et Nadine l'Européenne se promènent. Si l'on ne connaît pas le nom de famille de Denise, pas plus que tous les autres personnages de La Pyramide humaine – seuls les prénoms sont donnés, on reconnaît Nadine Ballot qui jouera plus tard dans Gare du Nord et Les Veuves de 15 ans. Mais pour l'instant, Jean Rouch explique qu'elles se sont connues à Abidjan, capitale de la Côte d'Ivoire.

Le cinéaste propose un marché, en cette rentrée scolaire 1959, à 20 lycéens. Il cause d'abord à 10 Européens puis à 10 Africains (c'est ainsi qu'ils se nomment la plupart du temps, les Africains parlant des Européens en ajoutant l'adjectif « petits » par ailleurs, les « petits Européens », les « petits blancs ») et leur soumet son projet : faire une fiction improvisée, chacun crée son personnage, invente ses dialogues.

Ils devront s'en tenir à leurs personnages explique-t-il, si l'un d'eux est raciste, même s'il n'est pas raciste, il devra jouer un raciste. Ce rôle est dévolu à Jacqueline qui sort à ses camarades français qu'elle estime que les Africains sont très inférieurs en tout et qu'elle refuse de se mélanger à eux. Autour d'elle, certains acquiescent, mais Nadine, Jean-Claude et Alain la contredisent immédiatement avec conviction.

Nadine, censée être une « débarquée » en Afrique, a envie d'être amie avec les Africains et en parle à Denise qui présente, en voix off, ses amis. Baka le sportif qui fait du vélo, Raymond le sensible, Nathalie la pile électrique au grand sourire, Elola le philosophe amateur de politique. Elle a un peu de mal à les convaincre, Elola craint qu'ils ne se moquent d'eux, mais Baka est bien plus enthousiaste, il trouve Nadine vachement bien.

La Pyramide humaine prend un tour politique quand Denise parle à Nadine de l'apartheid, cette dernière n'en avait jamais entendu parler. Elle lui montre des articles sur l'Afrique du sud, elle explique la ségrégation et une longue et houleuse discussion politique s'engage entre les lycéens. Il s'interrogent notamment sur le silence du représentant français à l'ONU. Elola lie ce mutisme diplomatique à la guerre d'Algérie.

Comme tous les adolescents, la petite troupe commence à flirter. Nadine fait une balade en vélo avec Baka, puis un tour de pirogue, elle se promène avec Jean-Claude dans une maison abandonnée où il a installé un vieux piano, elle rejoint Alain sur un paquebot échoué. Elle les considère comme de simples camarades (le mot, très années 60, revient toujours dans sa bouche), elle pense ne pas flirter, même si elle leur tient tendrement la main.

De son côté, Alain trouve Nathalie particulièrement charmante, ce qui rend jaloux Elola. Il a une chouette expression pour parler de son amour pour les femmes avec Baka, il loge chaque demoiselle dans les ventricules et les oreillettes de son cœur. Parfois les tensions s’exacerbent, comme lors la surprise party organisée par Nadine quelques jours après que tous ces nouveaux amis aient assisté à une soirée de danse africaines.

Denise, qui semble ne jamais trouver d'âme sœur, reproche souvent à Nadine ses « gestes équivoques », ces flirts a priori innocents mais auxquels Baka, Alain, Raymond et Jean-Claude donnent une plus grande importance qu'elle. Jean Rouch construit son petit marivaudage fort plaisant soufflant le chaud et le froid entre ses personnages et projette, sous leurs yeux étonnés, le résultat de cette fiction politique, sociale et amoureuse.




















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