Paris,
Champs-Elysées, deux amies, Denise l'Africaine et Nadine
l'Européenne se promènent. Si l'on ne connaît pas le nom de
famille de Denise, pas plus que tous les autres personnages de La
Pyramide humaine – seuls les prénoms sont donnés, on
reconnaît Nadine Ballot qui jouera plus tard dans Gare du Nord
et Les Veuves de 15 ans. Mais pour l'instant, Jean Rouch
explique qu'elles se sont connues à Abidjan, capitale de la Côte
d'Ivoire.
Le
cinéaste propose un marché, en cette rentrée scolaire 1959, à 20
lycéens. Il cause d'abord à 10 Européens puis à 10 Africains
(c'est ainsi qu'ils se nomment la plupart du temps, les Africains
parlant des Européens en ajoutant l'adjectif « petits »
par ailleurs, les « petits Européens », les « petits
blancs ») et leur soumet son projet : faire une fiction
improvisée, chacun crée son personnage, invente ses dialogues.
Ils
devront s'en tenir à leurs personnages explique-t-il, si l'un d'eux
est raciste, même s'il n'est pas raciste, il devra jouer un raciste.
Ce rôle est dévolu à Jacqueline qui sort à ses camarades français
qu'elle estime que les Africains sont très inférieurs en tout et
qu'elle refuse de se mélanger à eux. Autour d'elle, certains
acquiescent, mais Nadine, Jean-Claude et Alain la contredisent
immédiatement avec conviction.
Nadine,
censée être une « débarquée » en Afrique, a envie
d'être amie avec les Africains et en parle à Denise qui présente,
en voix off, ses amis. Baka le sportif qui fait du vélo, Raymond le
sensible, Nathalie la pile électrique au grand sourire, Elola le
philosophe amateur de politique. Elle a un peu de mal à les
convaincre, Elola craint qu'ils ne se moquent d'eux, mais Baka est
bien plus enthousiaste, il trouve Nadine vachement bien.
La
Pyramide humaine prend un tour politique quand Denise parle à
Nadine de l'apartheid, cette dernière n'en avait jamais entendu
parler. Elle lui montre des articles sur l'Afrique du sud, elle
explique la ségrégation et une longue et houleuse discussion
politique s'engage entre les lycéens. Il s'interrogent notamment sur
le silence du représentant français à l'ONU. Elola lie ce mutisme
diplomatique à la guerre d'Algérie.
Comme
tous les adolescents, la petite troupe commence à flirter. Nadine
fait une balade en vélo avec Baka, puis un tour de pirogue, elle se
promène avec Jean-Claude dans une maison abandonnée où il a
installé un vieux piano, elle rejoint Alain sur un paquebot échoué.
Elle les considère comme de simples camarades (le mot, très années
60, revient toujours dans sa bouche), elle pense ne pas flirter, même
si elle leur tient tendrement la main.
De
son côté, Alain trouve Nathalie particulièrement charmante, ce qui
rend jaloux Elola. Il a une chouette expression pour parler de son
amour pour les femmes avec Baka, il loge chaque demoiselle dans les
ventricules et les oreillettes de son cœur. Parfois les tensions
s’exacerbent, comme lors la surprise party organisée par Nadine
quelques jours après que tous ces nouveaux amis aient assisté à
une soirée de danse africaines.
Denise,
qui semble ne jamais trouver d'âme sœur, reproche souvent à Nadine
ses « gestes équivoques », ces flirts a priori innocents
mais auxquels Baka, Alain, Raymond et Jean-Claude donnent une plus
grande importance qu'elle. Jean Rouch construit son petit marivaudage
fort plaisant soufflant le chaud et le froid entre ses personnages et
projette, sous leurs yeux étonnés, le résultat de cette fiction
politique, sociale et amoureuse.
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