Jean
Rouch disait ne pas aimer Les Veuves de quinze ans, peut-être
parce qu'il aurait préféré ne pas avoir à diriger les deux
actrices principales de son court-métrage. Marie-France (cheveux
mi-longs)et Véronique (cheveux longs), deux filles à papa vivant
confortablement dans la petite bourgeoisie parisienne, ou sa banlieue
chic, passent pas mal de temps ensemble. La France est conquise par
les idoles, comme autant de fétiches païens, les chanteurs de yéyé.
Elles se promènent devant les boutiques où les 33 tours de Johnny,
Enrico Macias ou Sheila sont en tête de gondole, les affiches
géantes exposent le visage de Claude Nougaro. Mais une fois chez
elles, elles écoutent du jazz, dans leur milieu naturel, elles ne
sont pas obligées de suivre les goûts des autres.
Elles
sont bien sages chez elles. Marie-France habite dans une grande
maison entourée d'un vaste jardin. Sa mère reçoit deux amis (deux
hommes), ils sont assis dans le salon, la mère envoie rapidement sa
fille dans sa chambre faire les devoirs. Véronique vit avec son
père, apparemment pas de maman en vue, une bonne a préparé le
dîner pour deux mais le papa doit partir en réunion. Pas de
problèmes, Véronique lui soutire 10.000 francs pour s'acheter une
robe. Elles vont dans le kiosque à journaux acheter des journaux (Le
Monde, Elle, Picsou ou Lui). Elles regardent les photos de mode,
rêvent de cette « blouse » et passent vite à autre
chose. Le langage de l'époque dit avec application par les deux
adolescentes fleure bon l'époque et paraît aujourd'hui terriblement
désuet.
Les
deux demoiselles en rencontrent une troisième (Nadine Ballot), un
peu plus délurée et elle croisent deux jeunes hommes, des bons
bourgeois eux aussi, en costume cravate, pull posé sur les épaules.
Ils sont un peu morveux, envoient des piques aux deux filles mais ils
ne cessent jamais de chercher à les revoir, des les inviter aux
« surprise party » et de vouloir coucher avec eux.
Justement Jean Rouch filme cette boum en images arrêtées, à la
Chris Marker de La Jetée,
notamment la scène de la coucherie, quasi un viol. Véronique, en
descendant les escaliers du Trocadéro, ne se rappelle rien, elle
était complètement soûle. Dans la dernière séquence, Maurice
Pialat vient jouer un photographe qui sermonne gentiment Véronique
sur son avenir. Mais comme le dit bien le titre, elles sont déjà
veuves du futur.
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