Dans
la cabine de projection du cinéma Dacia, on peut voir l'affiche de
Speed 2 et d'autres blockbusters des années 90, des posters
de femmes à poil, dans un coin l'une des employées allume un
réchaud pour faire cuire ses pommes de terre, dans le hall, une
immense affiche de Gladiator, un coq publicitaire d'un
festival pour jeune public sert de décor entre une pub pour Orange
et des bancs vieillots.
Dans
ce documentaire produit par HBO Europe, la parole est donnée aux
quatre employés. Le patron Victor Purice, jovial, toujours positif,
portant une belle moustache, l'ouvreuse, la caissière et le
projectionniste. Le cinéma Dacia a été construit sous Ceausescu
quand le tyran roumain voulait développer le parc de salles et
depuis, il ne semble pas avoir bougé d'un poil ou d'une peinture.
En
revanche, depuis 1989, le nombre de salles à considérablement
diminué (de 400 à 30), toutes vendues à des promoteurs
immobiliers. Mais Monsieur Purice tient le cap, il veut attirer des
spectateurs. Seulement voilà, dans cette ville de province, le
cinéma Dacia ne projette qu'en bobines 35mm et l'ère du numérique
prend le pas sur la pellicule, il faut se moderniser.
C'est
avec un certain étonnement qu'on découvre que la patron va sur les
sites de téléchargement pour choper des films récents. Il fait
choisir au public d'enfants le film qu'ils veulent, ce sera La
reine des neiges. Il tente d'attirer des ados dans sa salle, mais
ils préfèrent traîner entre eux. Quand il parvient à les faire
rentrer, il fait tellement froid qu'il faut fournir couverture et thé
pour tenir le coup.
On
n'arrête pas de parler du renouveau du cinéma roumain en France,
mais aucun film ne sera projeté au Dacia. Victor se projette, pour
son plaisir personnel, un film de Geo Saizescu, vieux classique
roumain,. Quand le cinéma est vide, il écoute des chansons
populaires et se prend pour un rocker. Il se met à danser avec la
caissière et l'ouvreuse appelle le projectionniste pour les
rejoindre dans la danse.
Moderniser
la salle passe par un petit coup de peinture (l'habileté de Victor à
dessiner les lettres est remarquable), à passer à la télé locale
(à la grande fierté des employés), à rencontrer le patron d'une
salle de cinéma en Allemagne (qui promet de lui donner ses anciens
sièges) et à aller voir les responsables de Rômania Film, le CNC
local, qui n'a pas d'argent.
Alors
que mercredi tout le monde ne parlait que de l'ouverture d'un
festival dans un petit port de pèche et de la nomination de
l'éditrice de Positif au ministère de la culture, j'étais seul
dans la salle de cinéma à voir ce film, comme une mise en abyme
troublante. Dans le générique de fin, on entend le roulement de la
bobine 35mm dans un ultime élan de nostalgie.
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Nous, on était deux dans la salle.
Sinon, autre détail troublant du film:
quand Victor est en Allemagne pour visiter un cinéma,
on entend la bande son du Corps de mon ennemi, un vieux
Verneuil avec Bébel, quand Victor est dans la salle, et la
bande son de La cage au folles (musique de Morricone pour
être précis) quand il est derrière l'écran ou dans le couloir
et qu'il touche la moquette murale.
Un choix du réalisateur ou le signe que certaines salles
art & essai allemande reprennent les productions françaises
des années 70 ?
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