Eric
Judor opère un véritable putsch sur la comédie français.
Problemos son deuxième film en solo est le plus drôle de ces
derniers mois (allez, depuis alibi.com). La Tour 2 contrôle
infernale était, comme je l'avais écrit, un film au futur
antérieur, un préquel dont l'humour jouait sur les références à
La Tour Montparnasse infernale. Problemos abandonne
l'aéroport pour la campagne du sud de l'Ardèche et fait se dérouler
son film dans une colonie de vacances de hippies, baba cool, Nuit
debout, zadistes, Podemos, enfants de soixante-huitards plus ou moins
attardés.
Le
charme discret des insoumis est subtilement décrit grâce à leur
langage. De la même manière que les dialogues du film de Luis
Buñuel consistait à des aphorismes et phrases toutes faites, ceux
des personnages de Problemos sont des slogans où la novlangue
fleure bon le péremptoire. « L'enfant », « Babylone »,
« pain de mie » ou « putsch » prennent un
sens différent dans la bouche des personnages. L'humour du film
consiste à faire dévier le sens, la répétition, le pataquès, le
bégaiement, l'hésitation. Plus ils veulent s'exprimer (usant de
démocratie) moins ils ne parviennent à le faire avec clarté.
C'est
d'abord en observateur extérieur que Victor (Eric Judor) arrive,
avec sa femme et leur fille, dans cette communauté à la fois
totalement homogène (cheveux et tenues conformes à l'idée que l'on
s'en fait) et jamais d'accord sur quoi que ce soit, si ce n'est que
Victor n'est pas libre et qu'il ne s'en rend pas compte. Les deux
scénaristes Noé Debré et Blanche Gardin (aussi dans le rôle de
Gaya, la nemesis de Victor) distillent les informations sur les
protagonistes avec parcimonie, tel le jeune Dylan dont le passé est
notifié en fin de film à la grande surprise de tous (spectateurs
comme protagonistes).
D'observateur,
Victor va devenir le pivot du récit quand un événement survient.
La chronique sociale se transforme en film post-apocalyptique. Le ton
critique demeure mais les enjeux narratifs se modifient. Tous
ensemble, ils vont créer une nouvelle société car le début de la
fin est la fin du début. La communauté se disloque pour l'éruption
des égos. Simon (Youssef Hajdi) est exclu « démocratiquement »
par peur de la contamination et se construit une nouvelle maison et
une vie comblée par le néo-libéralisme, Patrice (Michel Nabokov)
revient sous forme de fantôme prodiguant quelques conseils.
Plus
qu'un dézinguage en règle de la France insoumise des barricades (et
qui prend tellement de saveur corrosive quelques jours après
l'élection présidentielle), c'est dans l'utopie communiste toute
straubienne qui est décrite que l'on note que pouvoir et sexe sont
intimement liés. Se moquer de ces personnages est une chose, et Eric
Judor ne s'en prive pas, sa marque de fabrique est l'ironie et le
sarcasme, arriver à faire rire sans lasser, sans se répéter est
toute la gageure de Problemos. C'était pas gagné de tenir le
rythme sur un sujet assez casse-gueule et pour tout dire très dans
l'air du temps, et c'est réussi.
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