vendredi 12 mai 2017

Problemos (Eric Judor, 2017)

Eric Judor opère un véritable putsch sur la comédie français. Problemos son deuxième film en solo est le plus drôle de ces derniers mois (allez, depuis alibi.com). La Tour 2 contrôle infernale était, comme je l'avais écrit, un film au futur antérieur, un préquel dont l'humour jouait sur les références à La Tour Montparnasse infernale. Problemos abandonne l'aéroport pour la campagne du sud de l'Ardèche et fait se dérouler son film dans une colonie de vacances de hippies, baba cool, Nuit debout, zadistes, Podemos, enfants de soixante-huitards plus ou moins attardés.

Le charme discret des insoumis est subtilement décrit grâce à leur langage. De la même manière que les dialogues du film de Luis Buñuel consistait à des aphorismes et phrases toutes faites, ceux des personnages de Problemos sont des slogans où la novlangue fleure bon le péremptoire. « L'enfant », « Babylone », « pain de mie » ou « putsch » prennent un sens différent dans la bouche des personnages. L'humour du film consiste à faire dévier le sens, la répétition, le pataquès, le bégaiement, l'hésitation. Plus ils veulent s'exprimer (usant de démocratie) moins ils ne parviennent à le faire avec clarté.

C'est d'abord en observateur extérieur que Victor (Eric Judor) arrive, avec sa femme et leur fille, dans cette communauté à la fois totalement homogène (cheveux et tenues conformes à l'idée que l'on s'en fait) et jamais d'accord sur quoi que ce soit, si ce n'est que Victor n'est pas libre et qu'il ne s'en rend pas compte. Les deux scénaristes Noé Debré et Blanche Gardin (aussi dans le rôle de Gaya, la nemesis de Victor) distillent les informations sur les protagonistes avec parcimonie, tel le jeune Dylan dont le passé est notifié en fin de film à la grande surprise de tous (spectateurs comme protagonistes).

D'observateur, Victor va devenir le pivot du récit quand un événement survient. La chronique sociale se transforme en film post-apocalyptique. Le ton critique demeure mais les enjeux narratifs se modifient. Tous ensemble, ils vont créer une nouvelle société car le début de la fin est la fin du début. La communauté se disloque pour l'éruption des égos. Simon (Youssef Hajdi) est exclu « démocratiquement » par peur de la contamination et se construit une nouvelle maison et une vie comblée par le néo-libéralisme, Patrice (Michel Nabokov) revient sous forme de fantôme prodiguant quelques conseils.

Plus qu'un dézinguage en règle de la France insoumise des barricades (et qui prend tellement de saveur corrosive quelques jours après l'élection présidentielle), c'est dans l'utopie communiste toute straubienne qui est décrite que l'on note que pouvoir et sexe sont intimement liés. Se moquer de ces personnages est une chose, et Eric Judor ne s'en prive pas, sa marque de fabrique est l'ironie et le sarcasme, arriver à faire rire sans lasser, sans se répéter est toute la gageure de Problemos. C'était pas gagné de tenir le rythme sur un sujet assez casse-gueule et pour tout dire très dans l'air du temps, et c'est réussi.

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