Ne
croyez surtout pas que je hurle a beau être très court (1h15),
le générique de fin fait cinq bonnes minutes. Cinq minutes où une
longue liste de films est donnée, celle que l'on vient de voir dans
ce film de Frank Beauvais. Et le plus étrange, c'est qu'on n'en a
pratiquement reconnu aucun. Tout juste deux ou trois, ça tient sur
les doigts d'une main. Pourtant on les connaît presque tous, on en a
vu des dizaines sur les 400 que le cinéaste affirme avoir regardé
en deux ans (c'est cependant moins que mon rythme qui me permet de
faire ce blog).
On
ne reconnaît pas ces extraits, courts, très courts, quelques
images, quelques plans seulement, des citations dira-t-on pour un
collage montage qui ne ressemble absolument pas à ceux des récents
films de Jean-Luc Godard (de De l'origine du XXIè siècle au
Livre d'image) parce qu'ils sont modifiés largement. Aucun
son ni dialogue d'origine n'est présent. Frank Beauvais les supprime
et les rend muets, il ne les utilise que pour leur aspect pictural et
le format se modifie au fur et à mesure, de 1:33 au 2:39, du carré
à l'écran large.
Ni
documentaire, ni fiction, ni expérimental, ni essai, Ne croyez
surtout pas que je hurle est comme son titre l'indique bien un
film à la première personne. On ne verra jamais ce narrateur
omniscient et bavard. J'imagine que c'est Frank Beauvais en personne
qui déclame ce texte, cela n'apparaît pas dans le générique. On
pense fortement à certains films d'Alain Cavalier, ceux qu'il
compose en tant que filmeur où il est son propre sujet, le dernier
par exemple Etre vivant et le savoir, Cavalier parle lui aussi
de sa solitude et du manque de l'autre.
Les
extraits de films forment une histoire qui est corrélée par le
texte. Une histoire triste de rupture entre le narrateur et son
compagnon, une vie devenue ennuyeuse en Lorraine où ils étaient
venus habiter. Il passe donc son temps à regarder des films parce
qu'il ne conduit, parce qu'il vit dans un village où il ne connaît
personne, parce qu'il déprime. Mais il a un espoir, un horizon qui
se dessine, celui de partir à Paris. Il est tiraillé entre un passé
lourd et un avenir guère plus resplendissant, vivre dans une
colocation.
Frank
Beauvais raconte sa vie, ses petits jobs dans le cinéma où il
programme, ses amis qu'il croisent (deux cinéastes portugais qui
doivent être Joâo Pedro Rodriguez et Joâo Guerra da Mata). On se
repère avec l'actualité qui vient effleurer sa vie, Nuit Debout,
des manifestations, la mort de Prince. On s'attache à ce destin à
la fois un peu pathétique, parfois ridicule (Frank Beauvais n'hésite
jamais à pratiquer l'autocritique), remarquablement bien écrit
(c'est un plaisir d'écouter son texte) et aux rebondissements
narratifs étonnant.
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