vendredi 4 octobre 2019

Ne croyez surtout pas que je hurle (Frank Beauvais, 2019)


Ne croyez surtout pas que je hurle a beau être très court (1h15), le générique de fin fait cinq bonnes minutes. Cinq minutes où une longue liste de films est donnée, celle que l'on vient de voir dans ce film de Frank Beauvais. Et le plus étrange, c'est qu'on n'en a pratiquement reconnu aucun. Tout juste deux ou trois, ça tient sur les doigts d'une main. Pourtant on les connaît presque tous, on en a vu des dizaines sur les 400 que le cinéaste affirme avoir regardé en deux ans (c'est cependant moins que mon rythme qui me permet de faire ce blog).

On ne reconnaît pas ces extraits, courts, très courts, quelques images, quelques plans seulement, des citations dira-t-on pour un collage montage qui ne ressemble absolument pas à ceux des récents films de Jean-Luc Godard (de De l'origine du XXIè siècle au Livre d'image) parce qu'ils sont modifiés largement. Aucun son ni dialogue d'origine n'est présent. Frank Beauvais les supprime et les rend muets, il ne les utilise que pour leur aspect pictural et le format se modifie au fur et à mesure, de 1:33 au 2:39, du carré à l'écran large.

Ni documentaire, ni fiction, ni expérimental, ni essai, Ne croyez surtout pas que je hurle est comme son titre l'indique bien un film à la première personne. On ne verra jamais ce narrateur omniscient et bavard. J'imagine que c'est Frank Beauvais en personne qui déclame ce texte, cela n'apparaît pas dans le générique. On pense fortement à certains films d'Alain Cavalier, ceux qu'il compose en tant que filmeur où il est son propre sujet, le dernier par exemple Etre vivant et le savoir, Cavalier parle lui aussi de sa solitude et du manque de l'autre.

Les extraits de films forment une histoire qui est corrélée par le texte. Une histoire triste de rupture entre le narrateur et son compagnon, une vie devenue ennuyeuse en Lorraine où ils étaient venus habiter. Il passe donc son temps à regarder des films parce qu'il ne conduit, parce qu'il vit dans un village où il ne connaît personne, parce qu'il déprime. Mais il a un espoir, un horizon qui se dessine, celui de partir à Paris. Il est tiraillé entre un passé lourd et un avenir guère plus resplendissant, vivre dans une colocation.

Frank Beauvais raconte sa vie, ses petits jobs dans le cinéma où il programme, ses amis qu'il croisent (deux cinéastes portugais qui doivent être Joâo Pedro Rodriguez et Joâo Guerra da Mata). On se repère avec l'actualité qui vient effleurer sa vie, Nuit Debout, des manifestations, la mort de Prince. On s'attache à ce destin à la fois un peu pathétique, parfois ridicule (Frank Beauvais n'hésite jamais à pratiquer l'autocritique), remarquablement bien écrit (c'est un plaisir d'écouter son texte) et aux rebondissements narratifs étonnant.

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