lundi 2 décembre 2019

Freddy sort de la nuit (Wes Craven, 1994)

A la toute fin de Freddy sort de la nuit, Heather (Heather Langenkamp) est avec son fils Dylan (Miko Hughes) dans le chambre du petit. Elle découvre un scénario et commence à le feuilleter, le titre est Wes Craven's New nightmare, le nouveau cauchemar de Wes Craven, avec une dédicace pour la remercier d'avoir participé au film que l'on vient de voir pendant 1h45. Elle lit à haute voix les premières lignes, ce sont précisément celles du début du film, des scènes auxquelles Heather a participé avec son fils observant la scène avec un certain effroi.

C'est l'antre de l'enfer qui ouvre Freddy sort de la nuit, de grilles sortent des flammes. Ce n'est pas encore Freddy mais son attribut le plus connu, ses griffes métalliques. La caméra tourne dans ce lieu sinistre. Un homme se saisit d'une hachoir de boucher et se tranche le bras, du sang dégouline. CUT. Wes Craven vient de finir son plan, nous sommes dans une mise en abyme tout ce qu'il y a de plus classique. Wes Craven joue Wes Craven, Heather Langenkamp joue son propre rôle et elle vient de voir son mari Chase (David Newsom) au travail.

Quelque chose de très beau se dégage de cette mise en abyme du cinéma d'horreur, elle dure tout le film et elle n'a rien à voir avec celle de Brian De Palma par exemple (Blow out et Body double par exemple) puisque le constat de Wes Craven est qu'en 10 ans, tout est devenu commercial, tout juste bon à vendre des produits dérivés. Ce n'est pas pour rien que le petit Dylan déclare être protégé par Rex son T-rex en peluche, c'est l'effet Jurassic Park dont il parle et l'horreur gentille pour les gamins de moins de 12 ans, le film était sorti un an plus tôt.

Trois ans plus tôt, Wes Craven parlait de la peur enfantine dans Le Sous-sol de la peur moqué à l'époque par la plupart des critiques et boudé par le public. C'était pourtant un film formidable et terrifiant sur la vraie peur que peut ressentir un enfant, la peur domestique. Comment avoir peur avec un dinosaure numérique ? Je dis cela tout en avouant aimer beaucoup Jurassic Park mais je n'ai jamais eu peur devant le film. Mais surtout, quand Heather était dans Les Griffes de la nuit en 1984, la peur était celle de la découverte du sexe.

En faisant de Heather Langenkamp un personnage au delà de l'actrice qui n'a jamais rien fait que des Freddy, Wes Craven lui donne une vie. En 10 ans, elle s'est mariée avec ce Chase qui travaille dans les effets spéciaux, elle a eu un enfant. Ce gamin s'avère prévoir les choses, les annoncer. Merveille de mise en scène que de l'entendre dire que le téléphone va sonner et d'entendre le téléphone sonner. On le sait et on reste effrayé par cette manière de faire de Wes Craven parce qu'il a le sens du timing pour à la fois faire sursauter et faire peur.

Mais il faut d'abord faire entrer Robert Englund, lui aussi dans son propre rôle. Lors d'une émission de télé, il arrive déguisé en Freddy et le public adore, il acclame le montre aux griffes, laissant la pauvre Heather de côté. Pour s'amuser encore plus, il faut rester jusqu'au générique de fin et les lire les crédits : certains jouent leur propre rôle (Heather, Craven, Englund, John Saxon qui appelle Heather Nancy son prénom de personnage) mais le plus étonnant est de lire « Freddy Kruger... himself », c'est que Kruger existe désormais dans la vraie vie et cela bien plus qu'un dinosaure en peluche ou en numérique.

Ces coups de téléphone anonymes que Heather reçoit en début de film, ce sera la forme principale de Scream tourné juste après Freddy sort de la nuit, avec une autre géniale réflexion sur le cinéma qui fait peur obnubilé par le whodunnit. La mise en abyme du film se poursuit mais elle se mêle avec l'onirisme initial de la série des Freddy Kruger. C'est le petit Dylan qui subit les assauts de Freddy Kruger lors de son sommeil. Dans le film, on rêve qu'on rêve qu'on rêve et très vite on ne sait plus dans quelle réalité se trouvent les personnages.


Wes Craven le dira lui-même à Heather Lengankamp : « Freddy a décidé de s'extraire des films pour rejoindre notre réalité. » Pour cela le film plonge dans les racines des contes (Hansel et Gretel) et fait des clins d’œil ironiques à Hitchcock (la longue scène dans l'hôpital avec cette infirmière peu amène qui veut absolument rendre tout psychologique – l'un des plus pénibles écueils actuels du film d'horreur) pour finir dans le Grand Guignol avec des effets spéciaux pas franchement réussis. La boucle est bouclée, le film est l'un des meilleurs de Wes Craven.
































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