lundi 9 décembre 2019

Le Reptile (Joseph L. Mankiewicz, 1970)

Des lunettes cerclées, un grand sourire et des cheveux roux toujours bien coiffés. Il suffit de ces trois éléments à Kirk Douglas pour camper cet escroc si sympathique et si malfaisant. Dès la première séquence du Resptile, Josph Mankiewicz montre tout le charme de Paris Pitman qui débarque revolver à la main pour braquer une famille bien riche qui s'apprête à dîner. La bonne noire remet son fichu sur la tête pour servir ses patrons. Pitman et sa bande sont là pour piquer leur pognon.

Il ne va faire de mal à personne, il plaisante même, il fanfaronne beaucoup. Les deux domestiques sont presque contents que les patrons se soient fait voler par un tel gentleman cambrioleur. Mais dès que Pitman et ses hommes sont partis, les coups de feu résonnent dans le ranch. Un de ses hommes est abattu, puis un autre. Pitman observe sans tirer un coup, à vrai dire ça l'arrange. Il aurait pas à partager son butin qu'il a mis dans une paire de bas féminin. Il va aller le cacher dans le désert, au fond d'un trou où vivent des serpents.

J'avais vu Le Reptile en 2005 à la Cinémathèque française lors d'une rétrospective Mankiewicz (une nouvelle a eu lieu cet été). C'était à la salle Bonne Nouvelle, avant que la Cinémathèque ne s'installe à Bercy. Cette scène des serpents, j'étais certain de l'avoir vu plus jeune, elle m'avait marquée mais je n'avais jamais réussi à savoir de quel film elle pouvait venir. Savoit où je l'avais vu, c'est une autre question, mais probablement dans l'émission de Pierre Tchernia la « séquence du spectateur » où des extraits de film étaient diffusés.

J'aime beaucoup le ton sarcastique du film, et de Mankiewicz en général. Pour présenter les détenus de la prison qui vont partager la cellule et le récit, le cinéaste n'y va pas par quatre chemins. Il fait dans le portrait acide de petites frappes, de bandits de western et d'escrocs en tout genre. Le jeune blondin Coy Cavendish (Michael Blodgett) a tué le père de le jeune femme avec qui il couchait d'une boule de billard dans la tête. Impétueux, il semble le plus jeune dans la prison et se voit proposer par un gardien des privilèges contre des avantages en nature.

Le duo de faux prêcheurs chrétiens, Dudley (Hume Cronin) et Curys (John Randolph), le premier, qui semble un peu simplet, peint des toiles sacrées dans un style naïf, le deuxième prêche la bonne parole. Ils piquent l'argent de fidèles crédules avec leur fausse bigoterie. En réalité, c'est une couple et dans ce couple, Cyrus n'a aucune jugeote et Dudley apparaît comme le cerveau. Autre personnage, Floyd Moon (Warren Oates) qui a la bonne idée de tirer sur le shérif Woodward Loperman (Henry Fonda).

Tout ce beau monde et quelques autres (je pense au Chinois au rôle peu écrit joué CK Yang, sa partition se résume à sa force) se retrouve au beau milieu de nulle part. Paris Pitman avec son air narquois fait vite figure de chef avec une seule idée : s'évader. C'est auprès d'un vieux pensionnaire de la prison, un type surnommé Missouri Kid (Burgess Meredith) malgré son grand âge (il a dû entrer là quand il était jeune) qui lui enseigne le fonctionnement du pénitencier. Tout s'achète, surtout les cigarettes et le whisky auprès de gardiens simplement surnommés Tabagie et Whisky.

Tout serait parfait dans ce monde de brutes sans l'arrivée de Woodward Loperman. Il a pris la direction du pénitencier et il est bien décidé à savoir où Paris a caché son butin. Il veut améliorer les conditions des prisonniers et va chercher l'aide du leader naturel, soit Paris. Il se trouve au mitard quand Woodward débarque, mais le gnouf n'est pas un trou dégoûtant. Paris vit là comme dans un palace, tranquillement assis à lire un bouquin dans un fauteuil. La vie est déjà meilleure pour lui et il accueille le nouveau directeur avec son habituel sourire moqueur.

Fini de casser des pierres sous la surveillance de gardiens mesquins, place à la prison modèle. Pour commencer, tout le monde prend un bain, surtout Missouri Kid qui ne s'est jamais lavé de sa vie (l'une des scènes les plus drôles du film). Puis c'est l'ordinaire qui s'améliore. Enfin, Woodward crée une cantine où les murs sont décorés par des peintures exécutées par Dudley. Une prison modèle est en cours de route, prête à être montrée au gouverneur, accompagné de sa charmante épouse et à quelques pontes venus observer l’œuvre de Woodward.


Le plan de Woodward aurait pu marcher s'il n'était pas contredit par le plan de Paris : profiter de la visite pour s'évader. Avec une adresse certaine, Mankiewicz reprise sa scène initiale où tout le monde meurt sous les balles dans le ranch. Encore une fois, Paris va pouvoir profiter de son magot tout seul en allant le récupérer dans le trou aux serpents. On le croyait sympathique mais il est rappelé que c'est une ordure de première. Miracle de l'immoralité qui se poursuit dans la toute dernière séquence comme un défi au conformisme du western.

























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