vendredi 6 septembre 2019

Viendra le feu (Oliver Laxe, 2019)


« Rien n'est plus difficile de filmer qu'un feu » avait dit Jean-Marie Straub lors d'un entretien pour la sortie de Sicilia (Cahiers du cinéma de septembre 1999). il observait à la télévision les tentatives de filmer un large incendie. Cette petite phrase m'est toujours resté en mémoire et depuis 20 ans j'observe les feux au cinéma en me demandant si ce sont des feux vraisemblables à défaut d'être réalistes. Dans les films d'action, l'accessoiriste balance du kérosène et hop ça flambe. Mais dans The Revenant, je me suis toujours trituré le cerveau pour savoir comment la cabane brûle avec que des bûches et planches humides et trempées. C'est la magie du cinéma.

Le futur du titre français, Viendra le feu, annonce un incendie, un feu immense. C'est le paroxysme du film où le spectaculaire se glisse dans les images. Je me suis demandé comment le cinéaste était parvenu à filmer ces immenses conifères en flammes, c'est la verticalité des arbres qui impressionnent tout comme, une fois l'incendie terminé, ce gris absolu quand tout est ravagé. Enfin, l'émotion diffuse avec ce cheval hagard qui tente de trouver un chemin, ses yeux auront été brûlé par le feu. Voilà quelques idées pour filmer le feu. L'enjeu n'est pas un suspense quelconque, vont-ils s'en sortir mais bien comment ont-ils filmé ça.

Les flammes sont verticales mais le film commence avec une séquence énigmatique sur une forêt en train d'être arasée, les arbres tombent et là c'est l'horizontalité qui intrigue. Les arbres tombent comme dans un jeu de quille sans qu'on comprenne s'il s'agit d'une force tellurique exceptionnelle, ce qui place le film hors du réalisme, vers un conte où la forêt serait le lieu des peurs de notre enfance. La musique tonitruante, la lumière nocturne finissent d'amplifier l'énigme jusqu'à l'apparition d'un bulldozer. L'homme est toujours responsable de la destruction de la forêt, s'il coupe les arbres en début de film, il allume le feu de la fin du film.

Entre les deux se trouve développée la vie d'Amandor, quadragénaire peu souriant aux cheveux longs et gras qui sort de prison. Il n'en faut pas beaucoup pour qu'on comprenne qu'il est pyromane. Il retourne au village de son enfance. Il fait profil bas, refuse presque de causer avec les autres villageois, s'installe chez Benedicta, une vieille femme qui élève trois vaches dont il va s'occuper avec elle. Amandor reprend le train-train quotidien après la prison. Il retrouve des gestes abandonnés comme faire griller une tartine sur le poêle qui sert de table et qui trône au milieu de la cuisine, déjà le feu.

Bienvenue en Galice, ses montagnes verdoyantes mais aussi son dialecte, sa boue quand les vaches qui sortent ou s'enlisent dans un trou d'eau, sa neige, sa brume. Viendra le feu fait partie de ces films ruraux où pas grand chose se passe, Le Quattro volte, les films de Lisandro Alonso par exemple, tout est au rythme de la campagne, de la nature, des bêtes. C'est devenu un genre en soi avec ses micro récits (devenir ami avec la vétérinaire venue soigner une vache), son sens de l'observation proche du documentaire parfois soporifique, ce qui permet souvent au spectateur de se reposer (comprendre somnoler) pour mieux repartir.

Dans ces deux ans passées en prison, loin du hameau, il s'est passé de choses et c'est aussi cela que montre Viendra le feu. Ce sont ces vieilles bâtisses que reconstruit, pierre par pierre, tuile par tuile, poutre par poutre, l'un des voisins. Il espère des touristes. Le suspense prend alors forme avec Amandor qui constitue un danger évident, il tourne autour des maisons retapées au fil des saisons comme s'il voulait que rien ne bouge. Comme si seul le feu pouvait faire table rase du passé et tout relancer tel un Phénix. Mais comme à la fin du Sacrifice, une fois le décor du film brûlé, le film est fini.

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