Visiter
Paris et rencontrer des gens. Du nord de Paris (la Villette) au sud
(la Cinémathèque française), Léa (Adèle Csech) et Martin (Paul
Delbreil) viennent de Toulouse et portent les prénoms d'un film
d'Alain Cavalier. Ils se séparent dès le début du film, ils
étaient en couple. Ils n'auront que cette scène ensemble, jusqu'à
la fin, leur vie se sépare à cette endroit, sans vraiment que l'un
ne regrette l'autre. Ce sera le ton adopté pendant tout le film,
L'Amour debout est un film sur la délicatesse de ses personnages qui
passent d'un quartier à un autre de Paris.
Léa
est guide, pas tellement touristique. C'est assez cocasse de la voir
parler de la Villette, des nouveaux bâtiments aux anciens, avec une
voix pas très assurée. Elle le sera un peu plus quand elle
présentera le quartier des Batignolles. On passe de Gilles Deleuze
au détour d'une rue où elle ne parlait que de Verlaine à Jean
Eustache. L'homme qui s'est joint à cette visite guidée des
Batignolles, JC (Jean-Christophe Marti), c'est lui qui évoque
Eustache. Voit-on aujourd'hui un seul film qui parle d'Eustache,
aucun.
Il
en sera plus tard encore plus question. Doublement avec Françoise
Lebrun dans son propre rôle, disons qu'elle joue une Françoise
Lebrun un peu spéciale, pas forcément très agréable, un peu
pète-sec, et c'est cela qui est amusant aussi dans ce film, jouer
avec les icônes qu'on dit indéboulonnables. Depuis, l'actrice a
également joué son propre rôle dans Thalasso sans que cela soit
aussi créatif. Elle présentera à la Cinémathèque française La
Maman et la putain en présence de Pierre Lhomme. Le chef
opérateur est décédé depuis la sortie du film.
Dans
le public se trouve Martin. Le grand jeune homme à l'allure
empruntée, un peu gauche, pas une lumière au premier abord, est
surtout un grand timide. Certes, le cinéaste s'intéresse au
parcours de Léa mais c'est surtout Martin qu'il suit dans son
trajet. Léa se contente de deux rencontres, outre JC – toujours en
allant au sud de Paris, cette fois au port de la Bastille, puisque
son nouvel amoureux vit dans une péniche, on rencontre Alicia
(Shirley Mirande), hôtesse de l'air qui vient habiter chez elle le
temps des escales.
Martin
voulait faire des films, être cinéaste. Il est sans boulot, sans
petite amie et sans logement. Son parcours est intérieur. Léa
traverse les rues de Paris, Martin s'enferme dans les appartements et
les lieux clos. Il est hébergé par son cousin, puis il fait un
atelier cinéma dans un lycée d'Ivry grâce à l'entregent de Jérôme
(Pascal Cervo), une connaissance de son cousin. L'atelier est assez
amusant et un peu cruel pour Martin qui a non seulement un peu de mal
avec son corps mais aussi pour s'exprimer et les lycées ne
comprennent pas le sens de cet atelier.
L'autre
mouvement intérieur qui traverse Martin est sa sexualité. Le hasard
faisant bien les choses, il croise Tristan (Thibault Destouches).
Martin va habiter chez lui et pour plus de confort dans le studio de
Tristan, ce dernier l'incite à dormir à côté de lui dans le
clic-clac plutôt que sur des coussins. Là, la révélation de
Martin prend forme. Elle vient petit à petit, par touches, pas
forcément très fines d'ailleurs, où Martin semble observer ce
qu'il n'avait jamais vraiment compris. Cela porte vers la dernière
rencontre du jeune homme à la campagne cette fois.
Il
s'agit de Bastien (Samuel Fasse) invité chez Jérôme avec Françoise
Lebrun. Seul Martin, à vrai dire croit que c'est un hasard. Bastien
aidera à l'évasion de Martin. Une scène d'amour sous la douche, une
danse sur « Les Tuileries », une chanson de Colette Magny
(je ne l'avais pas entendue depuis Donne-moi la main de
Pascal-Alex Vincent, on y entendait Melocoton), une deuxième danse
sur du madison dans un dancing gay (on remarque à une table
Jean-Sébastien Chauvin des Cahiers du cinéma). Et Martin s'évade
et s'éveille.
Au
fil des saisons données comme des chapitres, de l'automne à l'été,
L'Amour debout a été filmé dans cette continuité de temps
jusqu'au 14 juillet, l'une des plus belles scènes du cinéma
français de l'année, conclusion tendre de ce film choral – et
pour une fois l'esprit choral n'est pas forcé, ni usurpé – avec
toutes ces jeunes gens qui se retrouvent, debout, devant le feu
d'artifices, réconciliés, enfin amoureux. Ils naissent tout à la
vie dans ce film modeste et ambitieux, passé très inaperçu à sa
sortie. Je l'avais vu en salle en janvier mais il a fallu que je le
revois pour encore plus l'apprécier. Presque comme dans le film, il
m'a fallu quatre saisons pour écrire sur ce film.
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