Give
me liberty (Kirill Mikhanovsky, 2019)
Voici
le film indépendant US tendance Sundance le plus enthousiasmant vu
depuis des lustres. Le plus étonnant est qu'il prend la forme d'une
variation de Speed version Milwaukee en hiver. Keanu Reeves
serait remplacé par un jeune chauffeur de minibus transportant des
handicapés, il est russe et s'appelle Vic (Chris Galust). Sandra
Bullock serait une handicapée afro-américaine, Tracy Holmes (Lauren
Spencer). Au l'autre bout du fil, non pas un poseur de bombes qui
impose de tenir une certaine vitesse, mais le patron de Vic qui
n'arrête pas de l'appeler pour qu'il emmène à l'heure ses clients.
Pour le plus grand bonheur du spectateur, rien ne se passera comme
prévu et il viendra s'incruster dans le bus une horde d'octogénaires
russes qui veulent aller à l'enterrement d'une amie, un gars Dima
velu comme un ours et quelques autres. Le bus et ses passagers fait
quelques pauses, on picole, on mange, on parle russe, on chante, on
fait de l'opéra, on transporte un matelas ou un canapé, on cherche
de l'argent. Le tout se passe sur quelques heures, le temps
s'allonge, ralentit, s'accélère. Les amitiés naissent, les amours
éclosent, les langues se délient. Tout le monde n'est pas forcément
très sympathique, bien au contraire, ces gens-là sont épuisant,
parfois pénible, mais on apprend à les connaître. C'est un paysage
de maisons de banlieue presque un désert tant on dirait que personne
n'habite plus là, c'est une population pauvre, c'est les Etats-Unis
profonds, l'état du Winsconsin rarement filmé. Le finale, presque
en noir et blanc, frôle avec merveille l'abstraction. Voilà un beau
petit film. Le réalisateur a participé à l'écriture de Gabriel
et la montagne.
La
Vie scolaire (Grand Corps Malade & Mehdi Idir, 2019)
La
Vie scolaire rappelle les belles heures des années 1980, ces films
que l'on a découvert à la télé quand on était ado, Le Maître
d'école de Claude Berri, sympathique film d'un horsain qui
découvre un univers dont il ne connaissait rien (idéal pour le
spectateur avide d'exotisme sans avoir à aller jusqu'en banlieue),
PROFS de Patrick Schulman avec ces enseignants distants
présents, comme ce prof de sport qui invente des disciplines qui
rappelle celle de Laurent Gamelon. Ce deuxième film est aussi
agréable à regarder que Patients, superbement bien joué par
l'ensemble des acteurs, adultes comme collégiens. C'est déjà ça
de pris. Sauf à deux reprises où la musique dégouline pour nous
rappeler que cette comédie parle de situations dramatiques, les deux
réalisateurs choisissent de laisser écouter les vannes et les
répliques composées comme de la musique. Narrativement, ce sont
deux personnages en miroir qui sont au centre du film, un collégien
(Liam Pierron) et une CPE venue d'Ardèche (Zita Hanrot), c'est une
astuce scénaristique qui fonctionne mais au détriment de nombreux
autres personnages tout juste esquissés, souvent sacrifiés comme le
prof que joue Antoine Reinartz (il vaut mieux aller Roubaix, une
lumière pour mieux le voir). Mais en vérité le film est très
bien et j'ai souvent beaucoup ri. La grande absente du film, c'est la
religion qui était au cœur d'un film au sujet proche, La Lutte des
classes de Michel Leclerc. Personne n'en parle dans La Vie scolaire,
elle semble ne jamais avoir la moindre influence sur leur vie privée,
sur leur rapport aux autres. Cela pour d'évidentes raisons
commerciales, au moins le film n'est pas clivant.
Thalasso
(Guillaume Nicloux, 2019)
Tout
le monde a parlé de Laurel et Hardy pour le duo Houellebecq et
Depardieu, ouais pourquoi pas. Le maigrichon et le gros sont en
thalasso et entendent bien ne jamais respecter les règles. En
revanche, Guillaume Nicloux ne sort que très rarement de son univers
largement construit avec ces deux zigotos. Il joue gentiment sur les
clichés, ici on prend l'écrivain pour Queffélec, là on admire la
prestation de l'acteur dans Obélix. L'ensemble est un peu mou même
quand une bande de truands sympathiques débarque à Cabourg. Tous
les quarts d'heure la machinerie essaie d'être relancée (tiens, si
on convoquait Sylvester Stallone). Ça ressemble à une Kervern
Delépine en petite forme. Ça devrait durer 45 minutes, pas plus.
Frankie
(Ira Sachs, 2019)
Les
cinéastes devraient se méfier quand Isabelle Huppert les appelle
pour leur exprimer son admiration et proposer de travailler avec
elle, chaque fois le film du cinéaste est édulcoré, trop
respectueux d'elle et fichtrement ennuyeux. Ce qui est le plus
pénible dans Frankie c'est cette forme chorale d'un autre âge, mal
fichue avec tout le monde qui se réunit dans le dernier pour admirer
un coucher de soleil sur l'Atlantique. Mais rien n'accroche, aucun
personnage ne semble comprendre ce qui le lie aux autres personnages,
c'est terrible. Il faut qu'Ira Sachs retourne à New York, le
Portugal embrumé, c'est pas pour lui.
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