C'est
vraiment la bizarrerie du mois, voire de l'automne. Il faut faire
abstraction de ce tritre en anglais complètement aberrant (Black
journal) alors que le titre italien Gran bollito, le grand
bouillon, apporte une sonorité cocasse, une rondeur comme celle de
Shelley Winters. Elle est Léa, une italienne rondouillarde qui arrive
chez elle après un long voyage en éructant, en gueulant contre tout
le monde, en parlant fort. Les voisines observent de leur fenêtre le
retour avec une certaine appréhension, ils doivent bien connaître
son caractère de cochon.
Dans
le court générique, on pouvait remarquer la présence de trois
acteurs, sous leur nom la mention « dans le rôle » avec
des prénoms féminins. Voilà la première bizarrerie du film.
Premier à arrivée dans l'escalier pour accueillir Léa et l'aider à
monter ses bagages, c'est Lisa (Max Von Sydow), grande blonde aux
manières apprêtées qui pose constamment sa main droite sur son
oreille et ses boucles. Dans ses rêves, elle pense qu'elle est
attaquée et violée par le diable. Ses amies l'écoutent d'une
oreille, lasse de ses élucubrations.
Voici
les autres amies de Lisa et Léa. Stella Kraus (Renato Pozzetto),
chanteuse de cabaret qui veut faire croire (la belle illusion)
qu'elle est allemande. Elle drague sans vergogne le petit curé aux
yeux bleus qu'elle trouve très à son goût. La troisième est Berta
Maner (Alberto Lionello) qui vient de gagner au loto et qui veut
rejoindre son mari en Amérique, l'eldorado pour fuir l'Italie
fasciste, c'est à cette époque que se déroule Gran bollito. En fin
de film, les débuts de la guerre sont évoqués quand Michele
(Antonio Marsina) part à l'armée.
Michele
est le fils de Léa. Il est son trésor, elle le couve comme une mère
poule jusqu'à le sécher à la serviette son grand garçon quand il
sort, complètement à poil de son bain. C'est un grand bébé ce
Michele et Léa est persuadée qu'il aime les hommes. Elle est ravie
de ça parce qu'elle pense qu'il ne va jamais quitter le nid
familial. Un jour, elle débarque à l'impromptu dans un café pour
garçons tous habillés en blanc et bien apprêtés, elle le cherche.
Là, elle se rend compte qu'il est le seul avec une fille Sandra
(Laura Antonelli), un professeur de danse pour fillettes.
C'est
sans doute avec cette découverte que Léa commence à péter les
plombs. Dans la première moitié du film, tout ce beau monde bariolé
s'en donne à cœur joie dans l'exubérance la plus absolue. C'est
extrêmement drôle et délirant, pas seulement parce que ces trois
acteurs jouent des femmes d'une incroyable vulgarité mais aussi
parce qu'elles ne semblent même pas avoir conscience de leur
vulgarité, de leur fatuité, toujours à se plaindre ou à draguer
lourdement. Ça ne va pas durer longtemps. Léa décide de se
débarrasser de ses trois chères amies.
Il
paraît que c'est tiré d'un fait divers authentique. La manière de
Mauro Bolognini de transcender la réalité pour augmenter la fiction
est jouissive. Léa va donc transformer Lisa, Berta et Stella en
savon. Auparavant, elle tranchera la tête de ses amies avec un
hachoir. Elle avait préparé avec patience son coup, sciant deux des
pieds de sa table de cuisine pour que le sang coule plus facilement.
Puis, elle fait bouillir le tout dans une marmite en ajoutant de la
soude caustique. Elle s'amuse comme une enfant dans sa cuisine.
Quand
elle commet ses petits meurtres, le mari de Léa (Mari Scaccia)
victime d'une crise cardiaque, se met à réagir. Tina (Milena
Vukotic), qui sait à peine parler, devient la complice de tout cela.
Il ne reste plus qu'à l'opinion publique à réagir (c'est-à-dire
les deux voisines jalouses) et la police (le commissaire a un visage
déjà vu dans le film) à reconstituer toute cette horreur. D'autant
que Sandra est menacée par sa future belle-mère. Bref, voici
vraiment le film le plus bizarre de la saison. Après un petit tour
en salle, il va sortir en DVD.
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