vendredi 6 décembre 2019

Dans les bois (Mindaugas Survila, 2017)

Je ne suis jamais allé dans un bois la nuit, ou très peu, ou avec une bonne torche. Sauf au cinéma. La forêt et la nuit sont les éléments naturels du film d'angoisse, ça fait remonter les peurs enfantines, se perdre dans le noir, rencontrer des animaux ou des personnes dangereuses, les arbres verticaux qui strient l'écran horizontal en créant une fenêtre de barreaux. Le premier plan de Dans les bois joue sur cet écran noir et mystérieux dans un fondu qui part d' un ciel étoilé où volettent des lucioles à une étendue d'eau où nagent des têtards. Puis on entre dans ce bois de Lituanie.

Dans les bois est un film très court (1h04, générique compris) et se passe entièrement dans un bois et ce qui plaît en tout premier lieu est l'absence de commentaires. L'idée d'être plongé dans ce lieu tout à la fois inconnu et familier. Une maison se situe à l'orée du bois et un vieux monsieur habite là, il donne d'ailleurs à manger à des cerfs, biches et daim. Car l'hiver approche, le neige en est le témoin et il faut bien se nourrir. C'est l'un des motifs principaux de ce documentaire très écrit où se succèdent les animaux.

Un mulot s'approche en sautillant devant la caméra tandis qu'un serpent glisse jusqu'à lui. Le rongeur n'a pas peur, il semble même provoquer le reptile, il le renifle. Quand les crocs du serpent plongent sur le mulot, il esquive et file vite avant de revenir. On se croirait dans un film d'action, on est content pour le petit mulot trop mignon. Mais quelques scènes plus tard, on s'aperçoit que le serpent est sorti vainqueur de ce combat. Il est, lentement, très lentement, en train d'avaler le rongeur. Telle est la nature, d'abord carnivore.

Manger en hiver, ça veut dire ramasser des glands inlassablement comme le fait cette souris, une araignée au ventre proéminent su sommet d'une herbe haute tente d'engloutir un insecte qui butine, des corbeaux cherchent à piquer une carcasse que dévore un aigle, des fourmis attaquant la peau d'un serpent qui a mué et le plus étonnant, filmé au ralenti, des jeunes hérons au duvet blanc encore apparent se jettent sur des grenouilles apportées par leur mère. Le bois est tout sauf tranquille, en vérité c'est une jungle impitoyable où on mange et où on est mangé.

L'un des plus beaux moments de Dans les bois est la parade amoureuse des coqs de bruyère. La caméra se place là où on ne peut jamais accéder, par touches, en filmant l'oiseau géant en impressionniste, d'abord la queue mouillée par la pluie, les pattes (on dirait un t-rex), un bout de bec, enfin le coq est caché par un arbre et il apparaît dans toute sa splendeur, prétentieux comme c'est pas possible pour se lancer dans un combat ultra violent et parfaitement ridicule avec des cris impressionnants qui ne détonneraient pas dans un film d'horreur.


Ce qui rend exceptionnel le film est son amplitude sonore qui enveloppe avec un jeu sur les enceintes dans la salle de cinéma (on sursaute ça vient de derrière). Dans les bois n'a pas de commentaire mais n'est pas non plus phagocyté par la musique (on est à l'opposé du film calibré sur la nature). On passe du son très doux (le mulot sautille) au vacarme intense (les corbeaux croassent, les coqs de bruyère au caquètement bruyant) en passant par le vacarme des abeilles et les arbres qui grincent et tambourinent, et la pluie, le vent. Les bois de Lituanie sont un véritable studio de cinéma.






























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