Ça
fait tout drôle de voir Jean Sorel dans un film. Je crois que je ne
le connais que dans Belle de
Jour. A 83 ans, il joue
Georges, un libraire de 70 ans (c'est ce qu'il dit), un type étrange
à la vitrine couverte de papier journaux jaunis, aux cartons qui
s'entassent dans les allées, aux rangées disparates. Mais surtout
sans jamais personne dans la boutique. Quand un client entre dans
cette libraire du Quartier Latin, vers la Montagne Sainte-Geneviève,
Georges, lui dit de ficher le camp.
A
quoi ça sert un livre quand on ne le lit pas, à occuper Viviane
(Lolita Chammah) qui va les ranger. Elle a repéré une petite
annonce dans un café (guère plus rempli de clients que la librairie
par ailleurs, comme tous les lieux que visitent les personnages) qui
propose de donner du temps pour surveiller la librairie en échange
d'un petit studio. Viviane, qui se surnomme Mavie, va ainsi ranger
les livres, les sort des cartons, les pose sur les étagères,
parfois à l'endroit, parfois de traviole.
Georges
s'absente souvent, sans se justifier, laissant une note sur le bureau
encombré, signant de son initiale. Il la vouvoie et réciproquement,
puis il la tutoiera tandis qu'elle continue de le vouvoyer, enfin,
tous deux vont se vouvoyer. Sur ce bureau, Mavie écrit sur son
cahier, sans que l'on sache vraiment si c'est un roman ou son journal
intime, elle en donne quelques bribes en voix off. Quand il est là,
ils ne se disent pas grand chose, ils gardent le silence, parfois, il
l'embarque dans une promenade en voiture.
C'est
tout un secret que cherche à préserver Elise Girard sur l'absence
de clients, sur les départs soudains du patron, sur les liasses de
billets qu'il laisse à la jeune femme, sur les rapports platoniques
et amoureux entre eux. En revanche, l'amie de Viviane, Félicia
(Virginie Ledoyen) n'a aucun secret : elle passe son temps au
lit avec son amant qu'on ne verra jamais mais dont entendra
uniquement les râles et orgasmes. Voilà pourquoi Mavie est ravie de
s'installer dans le petit studio de Monsieur Georges qu'elle repeint
en vert pâle.
Sans
crier gare, des mouettes tombent du ciel et s'écrasent juste devant
les pieds de Mavie. La cinéaste ne donne aucune explication mais
fait intervenir un homme (Pascal Cervo) qui accuse les centrales
nucléaires. Autre animal, le chat de Mavie qui vient taper sur le
cahier où elle écrit. Encore un autre animal, une araignée filmée
en gros plan, l'arachnide vient s'incruster au beau milieu du repas
auquel Mavie a invité le jeune homme, il va progressivement
remplacer Georges de plus en plus absent, de plus en plus
énigmatique.
Dans
le générique de fin de Drôles
d'oiseaux, on découvre le
prénom du personnage de Pascal Cervo : Roman. Le film aurait dû
s'appeler « Mavie et un Roman » avec cet aspect
littéraire et mental à la Alain Resnais. La bizarrerie s'accentue
avec la musique stridente de Bertrand Burgalat, poussant le film vers
le fantastique. Renato Berto filme ces dialogues anti-naturalistes au
possible dans ces quatre décors qui dessinent un Paris hors du
commun dans le cinéma français. Ça n'est pas toujours convaincant
mais parfois c'est effectivement un drôle de film.
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