Une
femme nue de dos, assise. Un léger voile la rend éthérée. La même
de profil, elle est enceinte, c'est Agnès Varda qui pose pour son
deuxième court-métrage, L'Opéra
Mouffe consacré à la rue
Mouffetard. Plus tard, dans un jardin d'une maison un peu décrépie,
un homme et une femme se promènent nus, ils sourient, se courent
après, se câlinent, se regardent. Elle est Dorothée Blanks, il est
Antoine Bourseiller, le compagnon de l'époque d'Agnès Varda et le
père de Rosalie. Ce film a une part d'autobiographie de leur couple
qui va s'achever dès la naissance de leur fille.
Ces
quelques scènes d'une grande poétique des corps, la cinéaste les
prolongent avec une volonté quasi surréaliste (après tout, elle
est née en 1928, l'année de la création de Un
chien andalou de Luis Buñuel).
Un chou rouge coupé en deux (les enfants naissent dans les choux),
un poussin tout juste éclos dans un verre, un pigeon dans un globe,
des enfants portent des masques de Carnaval, une femme mange une
rose. Ces plans sont d'une grande beauté, dans un beau noir et blanc
où l'absence de parole, de dialogue fait d'autant plus ressortir le
sens du cadre, donc de l'incongruité de ses plans.
Elle
découpe son film en chapitres (des amoureux / du sentiment de la
nature / de la grossesse / quelques uns / les chers disparus /
joyeuses fêtes / de l'ivresse / des envies). On pense à Las
Hurdes, toujours de Buñuel,
quand elle filme les indigents de la rue Mouffetard qui viennent
faire leur marchés, les vieilles bigleuses, les ivrognes titubants,
les estropiés, les femmes épuisées par le marché, les habitants
de ce quartier, de cette année 1958, et soudain au détour d'un
plan, un slogan pour la paix, contre la guerre en Algérie inscrit
sur un mur devant lequel passe une femme indifférente.
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