mercredi 7 juin 2017

Le Vénérable W. (Barbet Schroeder, 2017)

La petite voix bouddhiste, comme cela est indiqué dans le générique, de Bulle Ogier énonce, avec douceur et nonchalance, quelques préceptes bouddhistes. C'est par elle, en off, que débute Le Vénérable W., soulignant ce que l'on connaît de cette religion, sa paix, sa félicité, sa tolérance. Tout cela pour mieux contraster avec ce que va décrire par le menu Barbet Schroeder, le destin exceptionnel de ce moine birman auquel il consacre un portrait comme il l'avait fait pour le Général Idi Amin Dada et Jacques Vergès.

Le W est pour son nom, Wari Thu et le vénérable pour son titre de dirigeant d'un monastère du centre de la Birmanie. Né en 1968 à Kyaukse, il ne pensait pas devenir moine si longtemps, raconte-t-il face caméra au cinéaste. Et la foi l'a attrapé. Comme la voix de Bulle Ogier, le moine en robe safran parle avec un grand calme, avec douceur mais ce qu'il dit est tout l'inverse de ce que l'on imaginait du bouddhisme et de ses préceptes. Le sermon qui lance le film devant des moines en prière désigne ses ennemis.

Chronologiquement, Barbet Schroeder fait l'histoire de son ascension dans le paysage politique. Ses débuts comme simple moine, sa prise de pouvoir dans son monastère, la création du parti anti-musulman 696, la dissolution de ce parti par la junte militaire, ses années de prison. Ce sont des images d'archive que le cinéaste a recueillies, qu'il met bout à bout, des vidéos souvent filmées par des amis de Wari Thu, par ses partisans de plus en plus nombreux et que Barbet Schroeder commente parcimonieusement, sur un ton neutre.

La petite voix de Bulle Ogier ne suffit pas pour contrer le vénérable moine. Deux témoins, occidentaux, Matthew Smith, un Américain, et Carlos Sardina Galache, un Espagnol, connaisseurs de l'état de la Birmanie, s'expriment. Car le souci est que l'on ne connaît guère l'histoire de ce pays, il faut beaucoup de renseignements et de données pour appréhender ce génocide et cette haine qui se développe en Birmanie depuis deux décennies sans que personne ne veuille regarder ce qui se passe.

C'est tellement loin la Birmanie. C'est devenu un nouvel eldorado pour les touristes et l'imagerie de Aung San Suu Kyi, la Lady de Luc Besson récipiendaire du Prix Nobel de la Paix, permet qu'on ne s'intéresse guère au sort de la minorité musulmane (4% de la population) dans ce pays à 90% bouddhiste. Proche du Bengladesh, la minorité Rohingyas, dans l'Etat du Arakan, est considérée par Wari Thu et ses fidèles comme des envahisseurs. La Birmanie aux Birmans, la Birmanie et ses racines bouddhistes.

Barbet Schroeder donne la parole à Abdul Rasheed, l'un des leaders des Rohingyas, une parole de désespoir et de tristesse devant les attaques répétées de Wari Thu. C'est lui qui lance des accusations sur les Musulmans : violeurs et voleurs, envahisseurs et ennemis du Bouddhisme clame-t-il dans ses prêches, dans les DVD qu'il donne (personne ne sait d'où vient l'argent qui lui permet de financer cela). C'est une propagande grossière qui flatte ceux qui croient être menacés, Wari Thu les a convaincus qu'ils sont menacés par les Rohingyas.

Sans avoir la force de Général Idi Amin Dada (le dictateur ougandais délirait de mégalomanie) ou celle de L'Avocat de la terreur (Vergès maître de son Barnum médiatique), Le Vénérable W poursuit cette l'exploration de la fabrication d'un monstre satisfait de son propre mal, mal qu'il considère comme juste et bon. Il se met moins en spectacle et ne prête jamais à sourire, par défaut, contrairement aux deux autres guignols. Evidemment, on songe à tous ces leaders politiques européens d'extrême droite qui rêvent d'appliquer ce programme raciste.

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