La
petite voix bouddhiste, comme cela est indiqué dans le générique,
de Bulle Ogier énonce, avec douceur et nonchalance, quelques
préceptes bouddhistes. C'est par elle, en off, que débute Le
Vénérable W., soulignant ce que l'on connaît de cette
religion, sa paix, sa félicité, sa tolérance. Tout cela pour mieux
contraster avec ce que va décrire par le menu Barbet Schroeder, le
destin exceptionnel de ce moine birman auquel il consacre un portrait
comme il l'avait fait pour le Général Idi Amin Dada et Jacques
Vergès.
Le
W est pour son nom, Wari Thu et le vénérable pour son titre de
dirigeant d'un monastère du centre de la Birmanie. Né en 1968 à
Kyaukse, il ne pensait pas devenir moine si longtemps, raconte-t-il
face caméra au cinéaste. Et la foi l'a attrapé. Comme la voix de
Bulle Ogier, le moine en robe safran parle avec un grand calme, avec
douceur mais ce qu'il dit est tout l'inverse de ce que l'on imaginait
du bouddhisme et de ses préceptes. Le sermon qui lance le film
devant des moines en prière désigne ses ennemis.
Chronologiquement,
Barbet Schroeder fait l'histoire de son ascension dans le paysage
politique. Ses débuts comme simple moine, sa prise de pouvoir dans
son monastère, la création du parti anti-musulman 696, la
dissolution de ce parti par la junte militaire, ses années de
prison. Ce sont des images d'archive que le cinéaste a recueillies,
qu'il met bout à bout, des vidéos souvent filmées par des amis de
Wari Thu, par ses partisans de plus en plus nombreux et que Barbet
Schroeder commente parcimonieusement, sur un ton neutre.
La
petite voix de Bulle Ogier ne suffit pas pour contrer le vénérable
moine. Deux témoins, occidentaux, Matthew Smith, un Américain, et
Carlos Sardina Galache, un Espagnol, connaisseurs de l'état de la
Birmanie, s'expriment. Car le souci est que l'on ne connaît guère
l'histoire de ce pays, il faut beaucoup de renseignements et de
données pour appréhender ce génocide et cette haine qui se
développe en Birmanie depuis deux décennies sans que personne ne
veuille regarder ce qui se passe.
C'est
tellement loin la Birmanie. C'est devenu un nouvel eldorado pour les
touristes et l'imagerie de Aung San Suu Kyi, la Lady de Luc
Besson récipiendaire du Prix Nobel de la Paix, permet qu'on ne
s'intéresse guère au sort de la minorité musulmane (4% de la
population) dans ce pays à 90% bouddhiste. Proche du Bengladesh, la
minorité Rohingyas, dans l'Etat du Arakan, est considérée par Wari
Thu et ses fidèles comme des envahisseurs. La Birmanie aux Birmans,
la Birmanie et ses racines bouddhistes.
Barbet
Schroeder donne la parole à Abdul Rasheed, l'un des leaders des
Rohingyas, une parole de désespoir et de tristesse devant les
attaques répétées de Wari Thu. C'est lui qui lance des accusations
sur les Musulmans : violeurs et voleurs, envahisseurs et ennemis
du Bouddhisme clame-t-il dans ses prêches, dans les DVD qu'il donne
(personne ne sait d'où vient l'argent qui lui permet de financer
cela). C'est une propagande grossière qui flatte ceux qui croient
être menacés, Wari Thu les a convaincus qu'ils sont menacés par
les Rohingyas.
Sans
avoir la force de Général Idi Amin Dada (le dictateur
ougandais délirait de mégalomanie) ou celle de L'Avocat de la
terreur (Vergès maître de son Barnum médiatique), Le
Vénérable W poursuit cette l'exploration de la fabrication d'un
monstre satisfait de son propre mal, mal qu'il considère comme juste
et bon. Il se met moins en spectacle et ne prête jamais à sourire,
par défaut, contrairement aux deux autres guignols. Evidemment, on
songe à tous ces leaders politiques européens d'extrême droite qui
rêvent d'appliquer ce programme raciste.
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