C'est
un Marx Brothers tardif, donc a priori moins inventif en gags que les
classiques, mais il est court, hélas il est traversé de quatre
chansons (là encore, je les ai éludées). Chercheurs d'or (je
préfère le titre Go West) est leur premier film d'époque,
c'est-à-dire une plongée dans le farwest, où Groucho joue une
seule fois avec ses frères sur l'anachronisme. Chico veut téléphoner
à quelqu'un, Groucho lui répond qu'on est en 1870 et que Don Ameche
n'a pas encore inventé le téléphone, l'acteur venait de jouer le
rôle de Alexander Graham Bell.
Partir
pour l'ouest demande 60 dollars, somme que ne possède ni Groucho (il
en a 50) ni Harpo (il en a 10) que Chico accompagne sur le quai de la
gare. C'est là que les trois frères se rencontrent. La séquence
sur leur argent dure six bonnes minutes reposant chaque fois sur le
même gag qui subit des variations infimes et infinies jusqu'à
épuisement. Groucho chercher 10 dollars et veut vendre à Harpo une
toque en raton laveur, ce dernier lui file un billet de 10, Chico
demande la monnaie sur un dollar et Harpo récupère son biffeton
qu'il avait accroché à une ficelle.
Harpo
finira par découper le pantalon de Groucho pour lui piquer le billet
de 10 qui avait été bien caché. Dans cette séquence, c'est
l'innocence des dialogues de Groucho qui ne comprend pas tout de
suite la supercherie face à l'éructation folle et furieuse de Harpo
qui fonctionne à plein régime, ses mimiques, ses grimaces, les
mouvements de son corps créent une inquiétude permanente accentuée
par son mutisme. Les changements de vêtements et chapeau vendus par
Groucho ne changent pas son caractère profond.
Le
séquence finale est prodigieuse en terme de rythme (une course
poursuite dans un train) et de gags. Arrêter la machine en tentant
d'éteindre la vapeur avec un verre d'eau puis en déchargeant toutes
les bûches, enfin redémarrer le train en détruisant le train, en
cassant les parois de bois, en amenant les planches. C'est là que le
génie de Harpo par sa fureur, par sa violence inouïe, encore une
fois je le souligne, fait merveille. Il passe d'un sourire puéril à
un visage démoniaque tandis que Groucho et Chico se contentent de
taquiner les passagers ou lire les notices des cheminots.
Entre
les deux séquences, Chercheurs d'or ne pousse pas vraiment
ses personnages à chercher de l'or, sauf dans une courte scène
(Chico creuse et Harpo remplit le trou de son frère). Le récit est
une romance à la Roméo et Juliette, deux amoureux de familles
ennemies. La discorde tient sur un terrain aride que cherche à
acquérir un potentat local pour le revendre à une compagnie de
chemin de fer. Groucho passe son temps à arnaquer tout le monde,
comme il le faisait dans la gare de New York en début de film. C'est
toute une série de quiproquos qu'il provoque.
Une
question essentielle reste en suspens. Comment Harpo va-t-il parvenir
à jouer de la harpe ? Pour Chico, la solution est toute
trouvée, dans un saloon, il se met au piano et joue un petit
morceau. Pour Harpo, il faudra attendre qu'il croise une tribu
d'Indiens et qu'il découvre entre deux tipis un métier à tisser
qu'il transforme en harpe. Le chef indien, qui l'a pris en sympathie
contrairement aux deux autres frangins parce qu'au moins Harpo ne
parle pas pour rien dire, se met à la flûte et l'accompagne
harmonieusement. Harpo est l'éternel maverick du cinéma comique.
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