jeudi 15 juin 2017

Nothingwood (Sonia Kronlund, 2016)

Le cinéma d'Afghanistan existe, Sonia Kronlund l'a rencontré et il est un homme caméra nommé Salim Shaheen (et le film est distribué par Pyramide avec la signature de son quasi homonyme Youssef Chahine). Depuis plus de 25 ans, il est l'unique vedette du cinéma afghan et a réalisé plus de 100 films dans lequel il a toujours le rôle principal. Comme il le dit dès l'ouverture de Nothingwood, ses films ne sont faits avec rien, aucun argent. Ni Hollywood, ni Bollywood.

Mais c'est ce dernier cinéma qui l'inspire le plus. Salim raconte qu'enfant, il adorait aller voir les comédies musicales de Mumbay, qu'il resquillait pour entrer dans les salles, qu'il se faisait souvent sortir par le caissier. Les quelques extraits des films de Salim Shaheen dans Nothingwood montrent cette influence, plus tard Sonia Kronlund observera la méthode de la star. Il lance sur son téléphone une chanson, danse devant la caméra et le son sera rajouté au montage.

Le film adopte un récit en road-movie et en flash-back. Sonia suit Salim qui tourne 4 films en même temps et il se rend, en avion car les routes sont peu sûres, dans le village de son enfance, Bamiyan, là où les taliban avaient détruit les Bouddhas géants (qu'il visite en rigolant avec Sonia). Il tourne son propre biopic, son enfance, l'armée avec son propre fils l'incarnant, quand il n'est pas occupé à servir de cameraman, sous les engueulades du paternel.

Car Salim n'aime rien tant que parler, tout le temps, avec une forte voix qui couvre toutes les autres, il veut impressionner Sonia qui en a vu d'autres (elle bourlingue en Afghanistan depuis 15 ans). Homme de coffre (son physique a bien changé depuis ses débuts), il ne cesse de fanfaronner, de rire, de se moquer gentiment de ses amis, de poser pour ses fans. Partout où il se rend, il est reconnu. Il a traversé toutes les époques, occupation soviétique, régime taliban, guerre civile.

Ce voyage en Afghanistan est inédit, on découvre un pays que l'on ne connaît pas et qui n'a jamais été filmé depuis des années. Les films de Salim Shaheen semblent être un havre de paix au milieu des routes et maisons en ruine et des attentats. Pour Shaheen, le plus dur est de trouver des actrices tant le poids des traditions est pesant. En début de film, un père accepte que sa fille joue dans un film, à condition qu'elle ne danse pas. Elle ne pourra pas s'empêcher d'avoir le plaisir de danser.

Partout où il va, sa troupe le suit fidèlement. Son fils cameraman, issu d'une fratrie pléthorique (Salim a deux femmes, 8 fils et 6 filles, on ne verra que les hommes). Son dialoguiste attitré, sorte de rocker portant des lunettes de soleil pour masquer ses blessures. Qurban qui adore se travestir à l'écran (il joue la mère de Salim dans son biopic) qui présente, hilare, sa femme et ses enfants, comme s'il avait fait une bonne blague à Sonia. Il vaut à lui tout seul qu'on regarde Nothingwood.

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