lundi 12 juin 2017

L'Avocat de la terreur (Barbet Schroeder, 2007)

L'Avocat de la terreur est l'un des meilleurs films de Barbet Schroeder, son documentaire sur un démiurge des plus troublant, sur un homme au destin tellement plus fort que la réalité que l'on croirait que c'est une fiction, totalement invraisemblable par certains aspects. Jacques Vergès le rappelle lui-même, avec le sourire qui lui traversait le visage, qu'il n'aurait jamais dû devenir cet avocat célèbre, lui le fils d'un Réunionnais et d'une Vietnamienne, lui l'enfant colonisé par l'Empire Français né en 1925.

La vie aurait dû être différente pour Jacques et son jumeau Paul, qui a très longtemps été député du Parti communiste réunionnais, mais ils sont entrés dans la Résistance à 17 ans et Jacques Vergès affirme ne jamais l'avoir quittée. Face caméra, il annonce qu'il est de la France de Montaigne et Diderot, pas celle des colonies. Dès le début de L'Avocat de la terreur, on retrouve des leaders des anciennes colonies, Khieu Samphan au Cambodge, Bachir Boumaza en Algérie, les deux pôles de la vie de l'avocat.

La première partie est une histoire d'amour, une pure romance dont Jacques Vergès se fait le narrateur gourmand, assis dans son immense bureau encombré de tableaux, de vieux meubles, de statuettes de Bouddha, en fumant son cigare, il raconte ses débuts au barreau et le lancement de sa longue carrière d'avocat qui se constitue en Algérie où il défend les membres du FLN. Histoire d'amour non seulement avec les peuples colonisés mais aussi avec Djamila Bouhired, torturée par les militaires et qui deviendra sa femme.

Djamila est la grande absente du film. Quand Barbet Schroeder emmène Jacques Vergès en Algérie en 2006, il rencontre plusieurs anciennes membres du FLN, toutes des femmes, dans une séquence où ils visitent la prison dans laquelle elles étaient enfermées et torturées. Mais Djamila n'est pas là, elle ne parle plus à son ancien époux, également père de ses enfants, et pour cause, Jacques Vergès, plutôt que rester simple avocat à Alger après l'indépendance, disparaît corps et bien pendant huit ans entre 1970 et 1978.

Que faire d'un personnage qui disparaît pendant si longtemps et qui refuse de dire quoi que ce soit à sa sujet, tout simplement faire un polar qui prend la forme d'une enquête contradictoire, c'est ce à quoi s'emploie Barbet Schroeder dans sa deuxième partie. Le mystère ne fait que s'épaissir au fil des témoins, le dessinateur Siné, ses amis algériens, cambodgiens ou palestiniens, un journaliste, des anciens collègues. Tous échafaudent des récits dans ces pays et un personnage peu respectable vient faire une apparition, François Genoud un nazi suisse.

Ce mystère est délicieusement entretenu par l'avocat, il fonctionne comme Smoking No smoking d'Alain Resnais, ou bien j'étais ici, ou bien je n'étais pas là. A ce jour, personne ne sait ce qu'il a bien pu faire pendant ces huit ans avant de devenir l'avocat médiatique des années 1980 défendant les terroristes de tous horizons, Klaus Barbie et des dictateurs. Cette troisième partie se transforme en film d'horreur avec son défilé de personnalités patibulaires. « Est-ce que je défendrais Hitler ? Je défendrais même Bush » lance-t-il avec malice au cinéaste comme conclusion.























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