mercredi 14 juin 2017

L'Enjeu (Barbet Schroeder, 1998)

L'Enjeu clôt une décennie de films sur de dangereux criminels qui manipulent les forces de police, commencée avec Le Silence des agneaux de Jonathan Demme (1991) continuée avec Seven de David Fincher (1995) et Face / Off de John Woo (1997). Quand Peter McCabe (Michael Keaton) reçoit pour la première fois la visite du flic Frank Conner (Andy Garcia) dans une prison de haute sécurité de San Francisco, attaché sur une chaise par des lanières de cuit, mains menottées dans le dos, il est impossible de ne pas penser à Hannibal Lecter.

McCabe n'a pas besoin de le dire, il ne parle pas tout seul, ne le confesse à personne, mais il élabore minutieusement un plan d'évasion, non pas de la prison mais de l'hôpital où le policier l'invite à passer une journée. Matt, le fils de Frank âgé de 9 ans, a besoin d'une greffe de moelle osseuse pour l'aider à guérir son cancer et seul Peter McCabe est donneur compatible. Avant d'accéder à la demande de Frank, Peter exige un assouplissement de ses conditions de détention. Ainsi, il pourra non seulement fumer dans sa cellule mais se rendre à la bibliothèque.

L'idée principale de Barbet Schroeder est de mettre en scène tous les préparatifs de cette évasion à partir du néant, il montre comment un homme sans rien, à la cellule vide, regorge d'inventivité pour se préparer. Le prisonnier ne manquait déjà pas de ressources pour faire de la musculation avec son t-shirt et un sac rempli d'eau remplaçant les haltères. L'une des scènes les plus marquantes est celle où il se démembre le pouce (ce qui servira plus tard), preuve de son obstination pour poursuivre son idée fixe, presque son rêve américain.

Ce qui frappe dans L'Enjeu, de prime abord, c'est l'énorme différence de jeu entre les deux acteurs. Michael Keaton ne joue pas le psychopathe cinglé, au contraire il ne s'exprime que par son corps, Barbet Schroeder découpe le physique de l'acteur tel un anatomiste, ses mains, son visage, comme pour annoncer l'opération chirurgicale à venir. C'est d'abord un corps entravé par les chaînes, les menottes, les liens, surveillés par les matons et les flics, paraissant compatissant au sort du petit Matt, qui une fois défait de ses liens va mener la danse.

Dans cet affrontement jouant l'unité de temps, lieu et action, Andy Garcia joue donc à l'opposé un personnage totalement hystérique, nerveux et anxieux, et le paradoxe est que c'est McCabe qui récolte la sympathie du public. Quand ce dernier devient le metteur en scène en prenant le contrôle des caméras de surveillance (l'un des motifs essentiel du film), un mouvement de balance se met en place, comme si chacun d'eux avait greffé une part de personnalité de l'autre et comme si Barbet Schroeder avait réalisé une synthèse de cette décennie de criminels psychopathes et flics déchaînés.

L'espace dans lequel les personnages évoluent marque la progression des rapports entre eux. La prison avec ses murs blancs, ses pièces vides se reflètent dans ceux de l'hôpital, lieu dénué de tout humanisme où s'affrontent le médecin de Matt (Marcy Gay Harden), qui doit garder en vie Matt, au patron de la police (Brian Cox) qui demande combien il faut de morts pour sauver un enfant. Cet espace blanc et clinique n'est séparé d'un vieux bâtiment où se calfeutre McCabe que par une passerelle, épreuve ultime pour Conner et symbole de sa transformation tout en rendant un hommage appuyé à Vertigo.






















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