Pour
son dernier film avec Divine (il décède un mois après la sortie de
Hairspray), John Waters lui offre le rôle d'une maman poule
dont l'occupation principale est de repasser les vêtements des
voisines dans le Baltimore de 1963. Edna Turnblad ne sort jamais de
chez elle, elle porte une vieille blouse grise et ses longs cheveux
gras tombent sur ses larges épaules. Ses clientes sont des mémères
qui voient d'un mauvais œil l'activité favorite de la fille d'Edna.
Cette
dernière, Tracy (Ricky Lake) est physiquement le portrait de sa
mère, la frivolité en plus. Elle aime par dessus tout regarder The
Corny Collins Show, une émission de télévision locale où les
jeunes garçons et filles de son lycée dansent, en costard ou robe
de soirée aux couleurs pastel, devant la caméra. Tracy rêve de
rejoindre le casting de cette émission et d'avoir comme partenaire
le séduisant Link (Michael St Gerard) sosie d'Elvis de l'époque.
Sécher
les cours et filer en secret au show, voilà ce que fait Tracy avec
sa meilleure amie Penny (Leslie Ann Warren), fille d'un couple de
catholiques intransigeants, ils font partie de ces habitants de
Baltimore pour qui l'émission est une abomination. « They're
so queer » dira Penny, les yeux fascinés, devant les danses
des jeunes gens. Avec ses quatre couettes tenues par des rubans
roses, elle rêve d'émancipation en suçant un bonbon jawbreaker
pendant tout le film.
Tracy
convainc le présentateur Corny Collins (Shawn Thompson) et son
assistante Tammy (Mink Stole, l'autre actrice fétiche de John
Waters), garante de la bonne humeur comme des bonnes mœurs de
l'émission (elle porte des panneaux). Mais c'est sans compter sur la
jalousie maladive d'Amber (Colleen Fitzpatrick), blonde et fine, qui
se voit non seulement piquer la vedette par une grosse brune mais
aussi se faire larguer par Link qui préfère le style de Tracy.
« On
est blanc de peau mais noir dans notre cœur » dira Link à
Tracy, les yeux dans les yeux après avoir échangé un baiser. Une
chose que n'admettent pas les parents d'Amber. Sa mère Velma Van
Tussle (Debbie Harry), ancienne Miss Baltimore 1945, et son père
Franklin Van Tussle (Sony Bono) sont des racistes largement opposés
à l'intégration des Noirs dans l'émission, soutenus par le patron
de la chaîne de télé, joué par Divine habillé en homme.
Ce
deuxième personnage joué par Divine est le plus brutal de tout le
film, il éructe son racisme, sa haine des Noirs, son soutien à la
ségrégation qui était encore en cours en 1963. La dernière partie
d'Hairspray est violente. Penny se retrouve « punie »
par ses parents et soignée par un médecin charlatan que joue John
Waters avec délectation, envoyant des électrochocs à la jeune
fille pour la guérir d'être tombée amoureuse de Seaweed (Clayton
Prince).
Ce
jeune homme est le fils de Motormouth Maybelle Stubbs (Ruth Brown),
l'énergique animatrice du show quand il réservé aux Noirs. Edna
est inquiète l'activisme de Tracy en faveur de l'intégration mais
le papa, Wilbur Turnblad (Jerry Stiller, le père de Ben Stiller)
soutient sa fille, qui va se retrouver en prison avec une
manifestation pacifiste tandis que Seaweed se fait tabasser par les
flics et que Link se fera exploser les genoux par une vieille
raciste.
Deux
visions s'opposent clairement dans Hairspray, le prolétariat
(les Noirs, les Turnblad) s'unit contre les nantis (les Van Tussle,
le directeur de la télé) dépeint chacun à travers leur danse
respective. Lascive, libératoire et colorée d'un côté,
rétrograde, uniformisée et coincée de l'autre. Ce sont les danses,
chaotiquement chorégraphiées, qui constituent le levier politique
de John Waters qui n'a plus sa verve d'antan, mais son film est plus
harmonieux.
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