Aujourd'hui, Les années
Sida à l'écran, le livre de
mon ami Didier Roth-Bettoni est sorti en librairie. Avec le bouquin,
il est livré le DVD de Zero
patience, premier film du
cinéaste militant gay John Greyson. (Editions
ErosOnix).
Comédie musicale sur le pseudo patient zéro, ce steward qui aurait
introduit le sida sur le continent américain au début des années
1980, Zero patience
met en scène deux morts qui vont se livrer une bataille sur
l'origine du sida.
Deux
morts qui peuvent entrer dans l'histoire de la sexualité
différemment. Sir Richard Francis Burton (John Robinson) surnommé
souvent Dick (la bite en anglais) est un scientifique, un sexologue
de l'ère victorienne et l'esprit étriqué et pudibond de cette
époque se ressent sur son appréhension du sida. Il est indiqué
comment Dick Burton se retrouve en 1991, mais peu importe,
aujourd'hui, il cherche à édifier dans un muséum de Toronto une
galerie des maladies et fléaux.
L'autre
mort est Zero (Normand Fauteux), uniquement désigné ainsi. Ce mec
mignon laisse derrière lui sa mère, son ami Georges (Richardo
Keens-Douglas) enseignant haïtien de français, la maladie le rend
aveugle, ses camarades activistes de Act Up (à l'époque la
structure était considérée comme extrémiste) parmi eux Mary
(Dianne Heatherington). Burton les interviewe avec son caméscope, il
leur pose des questions biaisées et tronque leurs réponses pour
aller dans son sens.
La
magie du cinéma rapproche Burton et Zero, ce dernier rôde auprès
de ses amis qui ne peuvent pas le voir, mais Burton si. Le grand
coincé du 19ème siècle et le frivole des années 1980, leur tenue
marque leur différence, chemise de lin, costume et redingote contre
t-shirts arborant des slogans, jean et blouson de cuir. Seule la
nudité permet qu'ils se sentent du même monde. Ils se toisent, ils
se découvrent, ils s'expliquent, ils couchent ensemble. Dick Burton
finit par le comprendre et admettre ses torts.
La
magie du cinéma, ce sont les chansons très marquées par leur
époque (saxophone et drum kit), un chœur antique où chacun affirme
sa vérité, des chansons dansées et colorées n'essayant jamais de
flirter avec le bon goût. Tour à tour drôle (l'invasion d'Act Up
au musée), poignante (le duo 6 or 7 things entre Burton et
Zerto amoureux) et délicieusement vulgaire (la chanson des deux
trous du cul). Les acteurs et actrices interprètent eux-mêmes les
chansons (Normand Fauteux a une très belle voix).
Les
paroles sont éminemment politiques et revendicatrices, l'Amérique
du Nord sortaient de 12 ans d'obscurantisme politique (Reagan + Bush
père), des milliers de morts étaient annoncés chaque années, des
entreprises pharmaceutiques se faisaient du sucre sur le dos des
malades (Georges ne peut pas se soigner) et surtout, le film
déconstruit irrémédiablement le discours majoritaire sur les
malades du sida. C'est là qu'il emporte le morceau auprès du
spectateur.
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