vendredi 9 juin 2017

Zero patience (John Greyson, 1993)

Aujourd'hui, Les années Sida à l'écran, le livre de mon ami Didier Roth-Bettoni est sorti en librairie. Avec le bouquin, il est livré le DVD de Zero patience, premier film du cinéaste militant gay John Greyson. (Editions ErosOnix). Comédie musicale sur le pseudo patient zéro, ce steward qui aurait introduit le sida sur le continent américain au début des années 1980, Zero patience met en scène deux morts qui vont se livrer une bataille sur l'origine du sida.

Deux morts qui peuvent entrer dans l'histoire de la sexualité différemment. Sir Richard Francis Burton (John Robinson) surnommé souvent Dick (la bite en anglais) est un scientifique, un sexologue de l'ère victorienne et l'esprit étriqué et pudibond de cette époque se ressent sur son appréhension du sida. Il est indiqué comment Dick Burton se retrouve en 1991, mais peu importe, aujourd'hui, il cherche à édifier dans un muséum de Toronto une galerie des maladies et fléaux.

L'autre mort est Zero (Normand Fauteux), uniquement désigné ainsi. Ce mec mignon laisse derrière lui sa mère, son ami Georges (Richardo Keens-Douglas) enseignant haïtien de français, la maladie le rend aveugle, ses camarades activistes de Act Up (à l'époque la structure était considérée comme extrémiste) parmi eux Mary (Dianne Heatherington). Burton les interviewe avec son caméscope, il leur pose des questions biaisées et tronque leurs réponses pour aller dans son sens.

La magie du cinéma rapproche Burton et Zero, ce dernier rôde auprès de ses amis qui ne peuvent pas le voir, mais Burton si. Le grand coincé du 19ème siècle et le frivole des années 1980, leur tenue marque leur différence, chemise de lin, costume et redingote contre t-shirts arborant des slogans, jean et blouson de cuir. Seule la nudité permet qu'ils se sentent du même monde. Ils se toisent, ils se découvrent, ils s'expliquent, ils couchent ensemble. Dick Burton finit par le comprendre et admettre ses torts.

La magie du cinéma, ce sont les chansons très marquées par leur époque (saxophone et drum kit), un chœur antique où chacun affirme sa vérité, des chansons dansées et colorées n'essayant jamais de flirter avec le bon goût. Tour à tour drôle (l'invasion d'Act Up au musée), poignante (le duo 6 or 7 things entre Burton et Zerto amoureux) et délicieusement vulgaire (la chanson des deux trous du cul). Les acteurs et actrices interprètent eux-mêmes les chansons (Normand Fauteux a une très belle voix).

Les paroles sont éminemment politiques et revendicatrices, l'Amérique du Nord sortaient de 12 ans d'obscurantisme politique (Reagan + Bush père), des milliers de morts étaient annoncés chaque années, des entreprises pharmaceutiques se faisaient du sucre sur le dos des malades (Georges ne peut pas se soigner) et surtout, le film déconstruit irrémédiablement le discours majoritaire sur les malades du sida. C'est là qu'il emporte le morceau auprès du spectateur.






























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