Bons
baisers de Pékin
est un film d'espionnage tout ce qu'il y a de plus sérieux. Comme
tout film d'espionnage sérieux, c'est un film parodique. Que ce soit
la séquence d'ouverture qui lance le récit comme le générique
largement « inspiré » de ceux des James Bond, le sérieux
se plie ici au burlesque de Stephen Chow. Passées les dix premières
minutes, Stephen Chow sera de toutes les scènes, de tous les plans.
Au sommet de sa gloire, Stephen Chow fait durer le suspense sur son
apparition.
Il
n'apparait d'abord que de dos, torse nu sous un tablier de boucher,
puis un léger panoramique filme ses yeux, ensuite un insert montre
un verre de Martini. Et se voix grave et rapide répond à une
cliente. Viré des services secrets, son personnage Ling Ling Chai
est devenu boucher réduit à découper de la viande de porc sur un
étal, clope au bec, cheveux bouclés, il se prend pour un cador et
cherche à séduire les femmes malgré cet accoutrement ridicule.
Ling
Ling Chai est un espion catastrophique. Il doit retrouver pour la
toute puissante Chine ce crâne préhistorique, histoire dont très
vite on se fout totalement. Il n'est que le Macguffin qui permet de
lancer le récit et à Stephen Chow de se montrer drôle et méchant,
amoureux des femmes et misogyne. Evidemment, un espion ne serait rien
sans ses gadgets. Man Sai, son collègue inventeur, sorte de Q
pékinois, lui propose un téléphone qui fait rasoir, un rasoir qui
fait sèche cheveux.
Les
moments les plus connus des James Bond sont repris et parodiés avec
souvent une belle tendance au mauvais goût et au ridicule. Li
Heung-kam (la Stephen Chow-girl du film) prend par exemple contact
avec son supérieur en ouvrant la cuvette des toilettes. Mais Stephen
Chow est toujours prompt à se ridiculiser lui-même. Le réalisateur
Stephen Chow n'hésite pas à mettre l'acteur Stephen Chow dans des
situations embarrassantes et humiliantes.
Son
personnage de Ling Ling Chai croit dur comme fer être l'égal de
Roger Moore (que l'on voit sur un poste de télévision à l'œuvre
dans un des rôles). L'habit ne fait bien entendu pas le moine. Il a
beau vouloir loger au luxueux Regent Hotel où se trouvent les plus
belles femmes de Hong Kong, il sera accueilli au minable Regent
Motel, par Yen, cet acteur barbu que Stephen Chow utilise dans ses
films en le travestissant et qui a toujours le doigt dans le nez.
Une
séquence au milieu de ces facéties retient l'attention. Ling Ling
Chai est dans une galerie marchande. Il rencontre un homme accompagné
de deux acolytes. L'espion et l'homme parlent le même dialecte : ils
sont du même village et se mettent à discuter ensemble. Or ces
trois hommes vont cambrioler un magasin. Traqués par des vigiles,
ils tuent de sang froid des clients. Ces scènes assez violentes
révèlent un aspect de Stephen Chow rare, à la fois dans ce film et
dans ses comédies précédentes : une noirceur proche du nihilisme
qui sera développé dans ses films suivants.
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