En
1991, Joel Silver était le Roi du monde, le champion du cinéma
d'action à Hollywood. C'est lui qui a fait passer Bruce Willis de
l'acteur comique qu'il était (la série Clair de lune, Boire et
déboires de Blake Edwards) à un héros viril et martial dans
Piège de cristal, l'égal de Mel Gibson, Sylvester Stallone
et Arnold Schwarzenegger, leaders du box-office dans les années
1980. L'idée de Bruce Willis est de s'offrir un joyau de comédie
d'action, il écrit le script, il coproduit Hudson Hawk, et
là, c'est le drame, c'est un flop, on annonce la fin conjointe de
Bruce Willis et de Joel Silver. D'autant que le duo va également se
ramasser avec Le Dernier samaritain de Tony Scott. Depuis, ces
deux films ont été réévalués et adorés et Silver comme Bruce
sont remontés au sommet.
Alors
Hudson Hawk, qu'est-ce que c'est ? L'histoire d'Eddie
(Bruce Willis), quatre anneaux à l'oreille gauche, t-shirt noir,
chapeau sur la tête. Un gars du New Jersey qui vient de passer dix
ans an prison, « disons, que je n'ai pas vu la sortie de ET »
explique Eddie à Anna (Andie MacDowell). A sa sortie de Sing Sing,
son vieux complice Tommy Five-Tone (Danny Aiello) vient le chercher
en décapotable. De retour à New York tout a changé, son vieux bar
préféré est devenu le lieu de rendez-vous des golden boys mais
rien n'a changé, Eddie se voit proposer par les frères Mario, deux
malfrats en complet veston, Anthony (Carmine Zozorra) les bras et
Cesar (Frank Stallone) le cerveau, de voler une sculpture de Léonard
de Vinci mise aux enchères le soir-même.
Jusqu'à
la rencontre avec les frères Mario, il se dessinait un gentil polar
comme les autres. Tout part en vrille dès le premier coup de feu qui
atteint la tasse de cappuccino que Eddie attendait depuis 10 ans. Ce
dernier sursaute, logiquement, mais il est le seul, personne ne
réagit dans le bar. Non pas qu'ils ne soient pas étonnés que
Anthony Mario ait tiré un coup de feu, mais parce que le film tend
doucement mais sûrement vers autre chose, ce que confirme les
personnalités des deux frangins, l'un totalement stupide l'autre
plus malin mais pas tant que ça. Michael Lehmann, le réalisateur
attitré de Hudson Hawk, pousse son film vers un burlesque
extrêmement proche du cartoon, à l'opposé de la tentative de
Warren Beatty, Dick Tracy sorti peu avant.
Le
plus fort dans Hudson Hawk est que ça marche et ce jusqu'à
la toute fin du film quand Tommy sort rescapé d'une explosion. Mais
avant cette fin, tout est mis en œuvre pour échapper au carcan du
classique schéma du film de voleur-policier. Le casse de la galerie
où se trouve la sculpture de Léonard de Vinci est le morceau de
bravoure. Cambriolant à l'ancienne, Eddie et Tommy décident de
compter le temps entre leur entrée dans l'immeuble et le moment où
les gardiens pourraient les repérer en chantant un classique de Bing
Crosby « Swinging on a star ». Cela donne des relents,
fort agréables, de comédie musicale au film là où on s'attend à
un banal suspense. Les deux hommes réitèrent la méthode lors de
l'assaut en Italie en chantant « Side by side ».
L'idée
du film est de supprimer toutes les ellipses et par là-même de se
débarrasser des liaisons entre les scènes. Cela atteint son
paroxysme entre l'explosion de la galerie et la scène de course
poursuite de l'ambulance sur un pont de New York, Bruce Willis se
retrouve sur un brancard, tente de le piloter, discute avec deux
jolies blondes dans une voiture, doit payer le péage à l'autoroute.
Eddie vit comme un personnage de dessin animé (mettons, ceux des
Looney Tunes) débarquant ici ou là par magie (celle du cinéma bien
entendu), annihilant tout sens de vrai ou faux raccord dans le
montage, toute cohérence scénaristique sans que cela ne pose de
problème ni aux personnages ni au spectateur.
Le
bonheur de Hudson Hawk ce sont ses personnages tous plus
étranges les uns que les autres. D'abord Anna la bonne sœur qui
aide Eddie sans qu'il ne comprenne qu'elle est une religieuse (ce qui
lui vaudra les moqueries de tous les autres), mais particulière
puisqu'elle est une espionne. Elle imite à la perfection le dauphin.
Ensuite, c'est George Kaplan (James Coburn) ancien de la CIA qui
dirige une équipe d'élite qui portent tous des noms de barres
chocolatées, ce qui est déjà mieux que les maladies vénériennes
constate Almond Joy (Lorraine Toussaint). Le costaud stupide Bounty
(Andrew Brinyaski), le mime Kit-Kat (David Caruso) et Snickers (Don
Harvey) surveillent tous Eddie.
Il
ne reste plus qu'à présenter le plus grand duo de la comédie
d'action de tous les temps qui font élever Hudson Hawk à la
postérité, les Mayflower aspirants maîtres du monde et qui veulent
transformer le plomb en or grâce à l'invention de Vinci vue en
ouverture du film. Lui Darwin (Richard E. Grant), elle Minerva
(Sandra Bernhardt). Ils sont arrogants, fringués n'importe comment,
ils parlent très fort, ils ont des mimiques improbables, ils sont
obsédés sexuels. Dans leur délire, ils n'hésitent jamais à tuer
tout le monde. On compte beaucoup de morts dans Hudson Hawk
grâce au terrible majordome Alfred (Donald Burton). Et Minerva a un
chien aussi dégénéré. « Bunny, ba-ball ! » Un
chef d’œuvre.
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