Pour
la première fois la mention « directed by Barbet Schroeder »
apparaît dans un film hollywoodien. Depuis la fin de la guerre, peu
de cinéastes français avaient travaillé aux USA, hormis Louis
Malle, revenu en France tourner Au revoir les enfants cette
même année. Barbet Schroeder fera 7 films en 15 ans. Barfly
est produit par Francis Ford Coppola et la Cannon Group, Golem &
Globus, nouveaux moguls du cinéma américain. Après des films
d'action bas de gamme, ils se paient les cinéastes les plus
prestigieux du moment.
Charles
Bukowski est au scénario, un récit très simple où Henry (Mickey
Rourke) joue son double cinématographique. L'acteur faisait là son
Tchao Pantin, après deux navets au succès international (9
½ semaines bluette érotique avec Kim Basinger, elle fera
également une comédie alcoolisée Boire et déboires de
Blake Edwards) et Angel heart polar fantastique années 50).
La belle gueule de l'acteur est triturée. Cheveux gras, yeux de
travers, dos courbé, démarche de vieillard, élocution en staccato
doux.
Les
néons colorés des enseignes des bars de ce quartier populaire et
pauvre de Los Angeles contrastent avec les fringues grises et sales
de Henry. Il ne quittera jamais son caleçon dégueulasse, son
t-shirt jaune comme lui fait remarquer un ambulancier venu le soigner
après une bagarre. Henry a choisit le Golden Horn. La caméra entre
dans le bar, le barman lit un journal, tout se passe dans la cour où
Eddie (Frank Stallone) le patron fiche une raclée à Henry qui bave
du sang et rigole en titubant devant tous les vieux ivrognes du bar.
Il
faut une vingtaine de minutes pour que Henry rencontre Wanda (Faye
Dunawaye). Après une nouvelle bagarre contre Frank que Henry gagne
grâce au « carburant » qu'il a pris (il s'est introduit
dans un appartement à côté du sien, par erreur, et a piqué à
bouffer) et qu'il se sente obligé d'aller dans un nouveau bar. Comme
Henry, Wanda est un pilier de bar, un barfly. Il va
s'installer chez elle, quittant le cloaque immonde aux murs décatis
qui lui servait d'appartement. Henry offre un whisky à Wanda, ils ne
se quitteront plus.
Ce
duo, vaguement un couple, s'accorde sur une chose : trouver de
l'argent pour payer de l'alcool. Wanda a Wilbur, personnage que l'on
ne verra jamais, mais qui accepte de lui donner du pognon même si
elle couche avec Henry. Ce dernier, soûl du matin au soir, garde le
sourire quand il s'agit de trouver du boulot, ce qui offre au film
quelques séquences comiques lors d'un entretien d'embauche. Henry
est écrivain et Tully Sorensen (Alice Krige) le publie, le paie et
il va immédiatement engloutir ses 500 $ au bar.
L'une
des cohérences des personnages se trouve dans la musique. Le judebox
dans le bar favori des deux soûlards diffuse de la soul music plutôt
entraînante (Booker T and the MG's) ou du blues mélancolique (The
Nighthawks). Dans son appartement crade, Henry possède un seul bien,
sa radio qu'il met en marche quand il écrit sur des feuilles de
cahier. Il écoute Mozart ou Beethoven. La joie de boire jusqu'à
plus soif, la douleur d'écrire des poèmes et de devoir les vendre à
Tully ou un autre éditeur pour pouvoir s'acheter à boire.
Barfly
est un film plutôt joyeux, où l'on peut se marrer de
l'inconséquence de nos deux anti-héros. Ainsi, Wanda va ramasser
des maïs verts pour s'amuser. Ses voisins s'engueulent et Wanda
trouve ça aussi divertissant qu'une sitcom. Henry débarquera chez
eux ce qui fera appeler les deux ambulanciers une nouvelle fois, un
des meilleurs gags récurrents. Finissant son récit sous forme de
chronique, Barbet Schroeder boucle la boucle avec la même scène et
une bagarre entre Henry et Frank sous les yeux énamourés de Wanda.
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