mercredi 8 février 2017

Un jour dans la vie de Billy Lynn (Ang Lee, 2016)

Comme tous les dimanches depuis deux décennies, j'écoute Le Masque et la Plume (oui, je suis encore l'émission) et deux des critiques du soir ont débiné Un jour dans la vie de Billy Lynn, comme ils venaient de dire que La La Land était « une splendeur », il ne m'en a pas fallu plus pour aller voir ce nouveau film de Ang Lee, cinéaste dont j'aime plein de films, réalisateur protéiforme qui va là où on ne l'attend pas. L'argument principal était que Ang Lee avait cédé au patriotisme, lui, un cinéaste taïwanais. La honte, quoi !

C'est toujours difficile de mettre en scène des personnages, ici de jeunes soldats américains combattants en Irak en 2004 sous l'ère W. Bush, sans confondre ce qu'ils sont, ce qu'ils représentent et ce que le cinéaste dit d'eux. Dans la longue et complexe histoire de la critique, on peut lire que Le Parrain faisait l'apologie de la mafia, que Full metal jacket était un film militariste ou, plus récemment, que American sniper était ambiguë. Comme si Coppola, Kubrick Eastwood et Ang Lee étaient du camp de Joel Schumacher, de Michael Bay ou de Chuck Norris.

Tout commence par des images vidéo, un peu comme celles que l'on voit dans Redacted de Brian De Palma. Un soldat est attaqué par deux Irakiens qui lui tirent dessus, il s'agit de Shroom (Vin Diesel). Vient à sa rescousse Billy Lynn (Joe Alwyn) qui le traîne hors d'atteinte. Ce court film, commenté par un présentateur télé, est sorti de son contexte et il fait de Billy Lynn un héros qui doit être célébré comme il se doit par l'Amérique de George W. Bush. Tout le sujet du film est de remettre ces images dans leur contexte.

Encore plus que son titre français, l'américain indique que Billy Lynn vit la mi-temps d'un match de football américain au Texas et qu'il doit parader pendant le show que donne Destiny's Child (l'ancien girls band de Beyoncé), un spectacle plein de lumière, de feux d'artifice, de danseurs, une fanfare en costumes de percussionnistes et des pom-pom girls. Et les dix bidasses doivent attendre sur scène dans ce bruit et cette fureur pour venir sur scène, pour apparaître comme le patron du stade (Steve Martin) le dit bien en héros de l'Amérique, du Monde Libre et de la démocratie.

Avant et après ce show, Billy Lynn est pris en charge par le sous-fifre du patron, Josh (Ben Platt). Une longue limousine Hummer (histoire d'indiquer que le pétrole coule à flots) les attend. Les soldats (personnages peu développés) menés par Dime (Garrett Hedlund) s'amusent comme des gamins gâtés, trop heureux d'être cajolés. Ils se chamaillent gentiment, ils sont remuants, ils parlent fort et jurent volontiers. Et pendant ce temps, Ang Lee filme en gros plan le visage défait et sinistre de Billy Lynn, qui tente d'esquisser un petit sourire quand il voit une jolie pom-pom girl qu'il ira embrasser.

La grande force d'Un jour dans la vie de Billy Lynn, est d'observer le point de vue de Billy Lynn jusqu'à en faire un film cerveau. Les scènes dans le stade sont régulièrement coupées par des séquences de souvenirs en Irak où Billy Lynn se refait le film de l'attaque, minute par minute, remettant le contexte intégralement à sa place. Il est rigoureusement impossible en voyant la mise en scène de Ang Lee de concevoir, un seul instant, que le film puisse soutenir « l'effort de guerre ». Le patriotisme supposé du film est absurde, un contre-sens.

Je passe rapidement sur les scènes de retour à la famille de Billy Lynn, sur sa sœur malade (Kristen Stewart) qui espère qu'il pourra se faire réformer pour évoquer les promesses de Josh et d'Albert (Chris Tucker). Ce dernier, téléphone collé à l'oreille, promet plein de pognon aux soldats pour l'adaptation par Hollywood de leur histoire. Et plus le film avance, plus l'avance se réduit. Finalement, Hollywood n'est pas intéressé par les larmes et le désespoir du héros du jour. Et par un étrange effet boomerang, le film, sorti dans peu de salles, n'a pas attiré le public américain. Le public comme les critiques ont parfois tort.

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