Comme
tous les dimanches depuis deux décennies, j'écoute Le Masque et la
Plume (oui, je suis encore l'émission) et deux des critiques du soir
ont débiné Un jour dans la vie de Billy Lynn, comme ils
venaient de dire que La La Land était « une
splendeur », il ne m'en a pas fallu plus pour aller voir ce
nouveau film de Ang Lee, cinéaste dont j'aime plein de films,
réalisateur protéiforme qui va là où on ne l'attend pas.
L'argument principal était que Ang Lee avait cédé au patriotisme,
lui, un cinéaste taïwanais. La honte, quoi !
C'est
toujours difficile de mettre en scène des personnages, ici de jeunes
soldats américains combattants en Irak en 2004 sous l'ère W. Bush,
sans confondre ce qu'ils sont, ce qu'ils représentent et ce que le
cinéaste dit d'eux. Dans la longue et complexe histoire de la
critique, on peut lire que Le Parrain faisait l'apologie de la
mafia, que Full metal jacket était un film militariste ou,
plus récemment, que American sniper était ambiguë. Comme si
Coppola, Kubrick Eastwood et Ang Lee étaient du camp de Joel
Schumacher, de Michael Bay ou de Chuck Norris.
Tout
commence par des images vidéo, un peu comme celles que l'on voit
dans Redacted de Brian De Palma. Un soldat est attaqué par
deux Irakiens qui lui tirent dessus, il s'agit de Shroom (Vin
Diesel). Vient à sa rescousse Billy Lynn (Joe Alwyn) qui le traîne
hors d'atteinte. Ce court film, commenté par un présentateur télé,
est sorti de son contexte et il fait de Billy Lynn un héros qui doit
être célébré comme il se doit par l'Amérique de George W. Bush.
Tout le sujet du film est de remettre ces images dans leur contexte.
Encore
plus que son titre français, l'américain indique que Billy Lynn vit
la mi-temps d'un match de football américain au Texas et qu'il doit
parader pendant le show que donne Destiny's Child (l'ancien girls
band de Beyoncé), un spectacle plein de lumière, de feux
d'artifice, de danseurs, une fanfare en costumes de percussionnistes
et des pom-pom girls. Et les dix bidasses doivent attendre sur scène
dans ce bruit et cette fureur pour venir sur scène, pour apparaître
comme le patron du stade (Steve Martin) le dit bien en héros de
l'Amérique, du Monde Libre et de la démocratie.
Avant
et après ce show, Billy Lynn est pris en charge par le sous-fifre du
patron, Josh (Ben Platt). Une longue limousine Hummer (histoire
d'indiquer que le pétrole coule à flots) les attend. Les soldats
(personnages peu développés) menés par Dime (Garrett Hedlund)
s'amusent comme des gamins gâtés, trop heureux d'être cajolés.
Ils se chamaillent gentiment, ils sont remuants, ils parlent fort et
jurent volontiers. Et pendant ce temps, Ang Lee filme en gros plan le
visage défait et sinistre de Billy Lynn, qui tente d'esquisser un
petit sourire quand il voit une jolie pom-pom girl qu'il ira
embrasser.
La
grande force d'Un jour dans la vie de Billy Lynn, est
d'observer le point de vue de Billy Lynn jusqu'à en faire un film
cerveau. Les scènes dans le stade sont régulièrement coupées par
des séquences de souvenirs en Irak où Billy Lynn se refait le film
de l'attaque, minute par minute, remettant le contexte intégralement
à sa place. Il est rigoureusement impossible en voyant la mise en
scène de Ang Lee de concevoir, un seul instant, que le film puisse
soutenir « l'effort de guerre ». Le patriotisme supposé
du film est absurde, un contre-sens.
Je
passe rapidement sur les scènes de retour à la famille de Billy
Lynn, sur sa sœur malade (Kristen Stewart) qui espère qu'il pourra
se faire réformer pour évoquer les promesses de Josh et d'Albert
(Chris Tucker). Ce dernier, téléphone collé à l'oreille, promet
plein de pognon aux soldats pour l'adaptation par Hollywood de leur
histoire. Et plus le film avance, plus l'avance se réduit.
Finalement, Hollywood n'est pas intéressé par les larmes et le
désespoir du héros du jour. Et par un étrange effet boomerang, le
film, sorti dans peu de salles, n'a pas attiré le public américain.
Le public comme les critiques ont parfois tort.
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