vendredi 24 février 2017

Le Magnifique (Philippe de Broca, 1973)

Ce soir, Jean-Paul Belmondo assistera pour la première fois de sa vie à une soirée des César. Il en avait toujours voulu à Georges Cravenne d'avoir préféré César à son père pour confectionner la statuette. L'acteur avait reçu le prix du meilleur acteur pour Itinéraire d'un enfant gâté et il n'est jamais venu chercher son César. Peut-être ce soir, histoire de mettre un peu de piment à la soirée et de faire oublier la présidence avortée de Roman Polanski. Pour me préparer à cet événement des professionnels de la profession, j'ai regardé Le Magnifique, que je considère comme l'un de ses meilleurs films.

C'est le début d'une longue période de films dont les titres sont des simples adjectifs ou des noms, suivront L'Incorrigible (encore avec Philippe de Broca, agréable comédie mais moins magnifique), L'Alpagueur, L'Animal, Le Guignolo, Le Professionnel, Le Marginal, Le Solitaire. Il alterne des films de flic que je n'aime pas avec des comédies tagada tsoin tsoin, qui sera un genre du cinéma français, bien à part et dans lequel Bébel, comme tout le monde l'appelle, sera le pilier du cinéma français pendant 15 ans. Il fait surtout le deuil du cinéma d'auteur avec l'échec cuisant de Stavisky d'Alain Resnais.

Les vingt premières minutes du Magnifique sont un travail d'orfèvrerie comique. Belmondo est Bob Saint-Clar, un espion français qui défait une demi-douzaine de combattants à Baghdad tandis qu'il reçoit un coup de téléphone de son supérieur. « Rodriguez a été dévoré par un requin ? Dans une cabine téléphonique ? » dit-il en fracassant ses adversaires justement avec le combiné. Le meilleur agent secret du monde va venir à la rescousse. A l'aéroport, il débine les espions albanais en lançant une grenade avec une raquette de tennis et l'Albanais la renvoie avec un club de golf.

Direction le Mexique où il doit rencontrer un agent. Elle s'appelle Tatiana (Jacqueline Bisset). Facile de la reconnaître, elle aura un pain de campagne sous le bras. Elle n'a pas pu trouver de pain, mais elle attend, dans une robe rouge échancrée, lunettes de soleil sur le nez. Tatiana s'exprime dans un français avec un accent anglais très collet monté, ce qui confère un snobisme à son personnage qui rend ses répliques en total décalage avec les situations dépeintes. Et c'est parti pour des aventures au Mexique, pour une chasse aux espions.

Le chef des espions est l'ignoble Karpov (Vittorio Caprioli, il était le restaurateur récalcitrant dans L'Aile ou la cuisse « c'est dégueulasse, hein ? », le patron séquestré dans Tout va bien de Godard & Gorin). Habillé d'une combinaison noire mais portant des espadrilles, il est l'habituel méchant ridicule et sardoniaue qui veut devenir le maître du monde. Chaque fois, Bob Saint-Clar parvient à s'échapper des pièges de son ennemi en tuant tous les sbires de Karpov. Il les fait prisonniers pour leur tirer des renseignements, les mitraillent dans le repaire de Saint-Clar.

La parodie de film d'espionnage fonctionne par contraste, par une multiplicité d'humour (répliques, gags visuels, comique de situations, tenues ridicules, décors roccoco), par un rythme trépidant. Seuls Jean Dujardin et Michel Hazanavicius ont réussi à aller aussi loin dans le pastiche, leurs deux OSS 117 sont meilleurs, je crois, que Le Magnifique. Philippe de Broca imbrique ce pastiche avec un contre-champ situé à Paris où Jean-Paul Belmondo incarne l'auteur de ce que le spectateur vient de voir pendant ces vingt minutes puis dans le reste du film.

Il est aussi François Merlin, scribouillard, coincé dans un appartement vétuste, qui n'écrit qu'avec ses pantoufles au pied. Il a écrit 42 romans de gare, tous des récits d'espionnage à la Gérard de Villiers. Jacqueline Bisset est Christine sa jeune voisine qu'il croise dans l'ascenseur et qui l'inspire. Vittorio Caprioli est Charon, l'éditeur mégalomane et macho de Merlin. Le trio se croise dans ce Paris de 1973 où il pleut, où la voiture de Merlin est pourrie, où Christine ne le remarque pas, où Charon refuse de lui donner une avance sur salaire.

La lassitude prend Merlin de court et à chaque interruption de son écriture, le visiteur se retrouve dans le film d'espionnage : sa femme de ménage (Monique Tarbès), l'électricien (Jean Lefebvre), le policier qui le verbalise (Mario David), les plombiers et son fils. Le film est régulièrement brillant, souvent hilarant mais la fin pêche par un mauvais goût caustique. A ce moment, Merlin saborde son roman et Broca, qui a récrit le scénario original de Francis Veber (qui a renié le film) avec Jean-Paul Rappeneau, termine par un happy end expéditif sur la romance entre Merlin et Christine.































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