Ce
soir, Jean-Paul Belmondo assistera pour la première fois de sa vie à
une soirée des César. Il en avait toujours voulu à Georges
Cravenne d'avoir préféré César à son père pour confectionner la
statuette. L'acteur avait reçu le prix du meilleur acteur pour
Itinéraire d'un enfant gâté et il n'est jamais venu
chercher son César. Peut-être ce soir, histoire de mettre un peu de
piment à la soirée et de faire oublier la présidence avortée de
Roman Polanski. Pour me préparer à cet événement des
professionnels de la profession, j'ai regardé Le Magnifique,
que je considère comme l'un de ses meilleurs films.
C'est
le début d'une longue période de films dont les titres sont des
simples adjectifs ou des noms, suivront L'Incorrigible (encore
avec Philippe de Broca, agréable comédie mais moins magnifique),
L'Alpagueur, L'Animal, Le Guignolo, Le
Professionnel, Le Marginal, Le Solitaire. Il alterne
des films de flic que je n'aime pas avec des comédies tagada
tsoin tsoin, qui sera un genre du cinéma français, bien à part et
dans lequel Bébel, comme tout le monde l'appelle, sera le pilier du
cinéma français pendant 15 ans. Il fait surtout le deuil du cinéma
d'auteur avec l'échec cuisant de Stavisky d'Alain Resnais.
Les
vingt premières minutes du Magnifique sont un travail
d'orfèvrerie comique. Belmondo est Bob Saint-Clar, un espion
français qui défait une demi-douzaine de combattants à Baghdad
tandis qu'il reçoit un coup de téléphone de son supérieur.
« Rodriguez a été dévoré par un requin ? Dans une
cabine téléphonique ? » dit-il en fracassant ses
adversaires justement avec le combiné. Le meilleur agent secret du
monde va venir à la rescousse. A l'aéroport, il débine les espions
albanais en lançant une grenade avec une raquette de tennis et
l'Albanais la renvoie avec un club de golf.
Direction
le Mexique où il doit rencontrer un agent. Elle s'appelle Tatiana
(Jacqueline Bisset). Facile de la reconnaître, elle aura un pain de
campagne sous le bras. Elle n'a pas pu trouver de pain, mais elle
attend, dans une robe rouge échancrée, lunettes de soleil sur le
nez. Tatiana s'exprime dans un français avec un accent anglais très
collet monté, ce qui confère un snobisme à son personnage qui rend
ses répliques en total décalage avec les situations dépeintes. Et
c'est parti pour des aventures au Mexique, pour une chasse aux
espions.
Le
chef des espions est l'ignoble Karpov (Vittorio Caprioli, il était
le restaurateur récalcitrant dans L'Aile ou la cuisse « c'est
dégueulasse, hein ? », le patron séquestré dans Tout
va bien de Godard & Gorin). Habillé d'une combinaison noire
mais portant des espadrilles, il est l'habituel méchant ridicule et
sardoniaue qui veut devenir le maître du monde. Chaque fois, Bob
Saint-Clar parvient à s'échapper des pièges de son ennemi en tuant
tous les sbires de Karpov. Il les fait prisonniers pour leur tirer
des renseignements, les mitraillent dans le repaire de Saint-Clar.
La
parodie de film d'espionnage fonctionne par contraste, par une
multiplicité d'humour (répliques, gags visuels, comique de
situations, tenues ridicules, décors roccoco), par un rythme
trépidant. Seuls Jean Dujardin et Michel Hazanavicius ont réussi à
aller aussi loin dans le pastiche, leurs deux OSS 117 sont
meilleurs, je crois, que Le Magnifique. Philippe de Broca
imbrique ce pastiche avec un contre-champ situé à Paris où
Jean-Paul Belmondo incarne l'auteur de ce que le spectateur vient de
voir pendant ces vingt minutes puis dans le reste du film.
Il
est aussi François Merlin, scribouillard, coincé dans un
appartement vétuste, qui n'écrit qu'avec ses pantoufles au pied. Il
a écrit 42 romans de gare, tous des récits d'espionnage à la
Gérard de Villiers. Jacqueline Bisset est Christine sa jeune voisine
qu'il croise dans l'ascenseur et qui l'inspire. Vittorio Caprioli est
Charon, l'éditeur mégalomane et macho de Merlin. Le trio se croise
dans ce Paris de 1973 où il pleut, où la voiture de Merlin est
pourrie, où Christine ne le remarque pas, où Charon refuse de lui
donner une avance sur salaire.
La
lassitude prend Merlin de court et à chaque interruption de son
écriture, le visiteur se retrouve dans le film d'espionnage :
sa femme de ménage (Monique Tarbès), l'électricien (Jean
Lefebvre), le policier qui le verbalise (Mario David), les plombiers
et son fils. Le film est régulièrement brillant, souvent hilarant
mais la fin pêche par un mauvais goût caustique. A ce moment,
Merlin saborde son roman et Broca, qui a récrit le scénario
original de Francis Veber (qui a renié le film) avec Jean-Paul
Rappeneau, termine par un happy end expéditif sur la romance entre
Merlin et Christine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire