Le
premier s'appelle Omar (Gordon Warnecke), le deuxième s'appelle
Johnny (Daniel Day Lewis). L'un est Pakisatanais, un Paki comme le
traite l'autre, punk typique de l'Angleterre de Margaret Thatcher.
Ils se connaissent depuis l'enfance mais leur chemin a bifurqué, ils
ne sont plus amis, au contraire, Johnny est passé dans le camp des
« fascistes » comme le dit le père d'Omar, papa Hussein
(Roshan Seth), le camp des skinheads (ou à peu près, Johnny n'émet
aucun message pendant tout le film). Une fois adultes, la seule chose
qui les unit, c'est le chômage synonyme du libéralisme de la Dame
de fer.
Le
chômage, ce douloureux problème, pour parodier l'autre. Omar a plus
de chance que Johnny. Même si tout les oppose, Papa Hussein, ancien
militant de gauche, appelle son frérot Nasser (Saeed Jaffrey),
patron de petites boites diverses et variées, dont une laverie dans
un quartier mal famé, en l'occurrence celui où habitent Johnny et
ses potes bas de plafond. Et quand Omar va visiter le lieu de son
nouveau boulot, il croise son ancien ami, et sans se soucier de quoi
que ce soit, il va le rejoindre avec un grand sourire en entonnant
son prénom très fort. L'autre est un peu gêné, esquisse enfin lui
aussi un sourire.
La
proposition est simple : « viens travailler pour moi »
lui dit Omar. Les potes de Johnny lui répondent « tu vas pas
bosser pour un Paki ? ». Mais le lendemain, Johnny
retrouve le sourire d'Omar dans cette laverie décrépie. Et Johnny
va commencer à faire les travaux, à peindre, réparer, virer les
petites frappes, tout ça sous l’œil goguenard de ses potes qui
viennent glander là, tels des corbeaux croassant autour d'un
épouvantail. L'image est cocasse. Et la laverie devient belle, le
petit gimmick sonore de bulles de savon qui éclatent retentit
régulièrement. Les deux amis sont fiers de leur boulot. Ils peuvent
enfin inaugurer.
Et
plus si affinités... My beautiful laundrette est resté dans
les mémoires pour la belle histoire d'amour entre Omar et Johnny.
Elle pointe le bout de son nez sans crier gare, les deux amis ne se
posent pas de question. Il s'embrassent gentiment, ils font l'amour
dans l'arrière boutique le jour de l'inauguration, ils se disputent
tendrement et se réconcilie en s'aspergeant d'eau. En 1986, filmer
ainsi cette romance, en renonçant à tout dolorisme, en marquant son
caractère positif, était une révolution, cette romance est aussi
une idée de la résistance face à la division de la Grande Bretagne
sous le joug des Conservateurs.
L'histoire
d'amour d'Omar et Johnny est mise en parallèle avec la liaison de
l'oncle d'Omar, Nasser a avec Rachel (Shirley Ann Field), une liaison
cachée et infamante pour la famille. Quand son épouse et sa fille
Tania (Rita Wolf) l'apprennent c'est un drame, autant parce que
Rachel est blanche que parce qu'elles se sentent trahies. Nasser et
Hussein verraient bien Tania épouser son cousin Omar, mais ce
dernier laisse traîner les choses et Tania en profite pour enfin
quitter le carcan familial, elle qui aspire, tout autant que Omar, à
une vie de parfaits sujets britanniques, loin des traditions et des
coutumes de leur communauté.
Dans
le même genre d'opposition et de parallèle, Stephen Frears esquisse
Salim (Derrick Branche), le bras droit de Nasser en arriviste,
inquiétant, vénal. Salim est jaloux de la réussite d'Omar et peu
rassuré de la place grandissante que prend Johnny. Face à ce jeune
loup du libéralisme, ce profiteur du système, face à ce visage
sardonique, il oppose Omar et Johnny, alternative utopique mais
plaisante. Loin d'être angélique, Stephen Frears ne fait pas de la
laverie le lieu de toutes les réconciliations mais celui de la
cristallisation des problèmes de la Grande Bretagne. En 30 ans, My
beautiful laundrette n'a pas pris une ride.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire