jeudi 2 février 2017

Moonlight (Barry Jenkins, 2016)

Sur l'affiche de Moonlight, trois visages en composent un seul, celui du héros Chiron qui vit à Miami. Trois visages de trois acteurs pour trois périodes de sa vie. Les acteurs : Alex Hibbert est l'enfant, Ashton Sanders l'adolescent et Trevante Rhodes est l'adulte. Le film est divisé en trois parties (I Little, II Chiron, III Black) prenant la manière dont les autres s'adressent à lui. Une forme de conte de l'Amérique, un conte cruel pour Chiron.

Après The Fits, sorti en janvier, c'est à nouveau un film avec uniquement des acteurs Afro-américains et d'extraction très modeste. Mais cette fois, la maman de Chiron (Naomie Harris) est présente constamment. Une mère protectrice et aimante a priori, comme on le découvre en début de film quand son fils a passé la nuit chez Juan (Mahershala Ali), trafiquant de drogues du quartier. Elle l'en éloigne sans ménagement, connaissant l'homme et sa réputation.

Little, comme le surnomment ses « camarades » d'école fuyait trois gamins qui le harcelaient. Il s'était réfugié dans une maison abandonnée remplie de seringues. C'est là que Juan le trouve, l'invite chez lui et tente, avec sa copine Teresa (Janelle Monáe), de lui faire sortir un mot de sa bouche. Non sans mal, il saura où il habite. Chez Juan et Teresa, il va trouver une famille de substitution, un lieu où il peut aller pour être tranquille.

Car non seulement il est harcelé à l'école puis au collège où il se fait tabasser, mais en plus sa mère est une toxicomane qui lui taxe du pognon (que lui avait donné Teresa) pour payer ses doses. La deuxième partie, la plus mélodramatique fait souvent penser à Precious quand Mo'nique, la mère de la jeune fille prenait des colères folles. Ce n'est pas, à mon avis, le meilleur moment de Moonlight qui cherche à faire pleurer Margot avec de grands effets lacrymaux.

Le parcours de Chiron passe du blanc au noir. Le blanc, c'est la tenue d'écolier, l'uniforme que porte Little, son innocence absolue de tout ce qu'il vit « What is a faggot ? » demande-t-il à Juan. Adolescent, il porte une chemise sur son t-shirt blanc. Adulte, il est vêtu de noir et se fait surnommer Black par ses employés, il est, comme son mentor Juan, devenu trafiquant de drogues et un homme au tempérament sombre.

Le cinéaste prolonge ces oppositions avec un récit totalement diurne dans la partie Little quand la partie Black se déroule toujours la nuit. Pour le segment Chiron, fait d'hésitations, d'avancées et de reculades, il mélange la nuit (son premier baiser au bord de la plage) avec le jour (la punition qu'il reçoit en se faisant traiter de pédé au lycée). Et avec et contre Chiron, dans ses trois âges, Kevin (lui aussi interprété par trois acteurs).

Kevin est le deus ex machina de la vie de Chiron. La belle idée du film est de faire de la scène de baiser entre les deux garçons, sur la plage de Miami, une pure fantasmagorie, comme si Chiron la rêvait. Une scène très douce emportée par de la musique classique (encore dans cette idée de contraste). La plus belle scène est dans la troisième partie, le petit canard est devenu un beau cygne, et sur la chanson de Barbara Lewis « Hello stranger », Chiron affirme enfin son amour pour Kevin.

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