C'est
une certitude, La Mort aux trousses est le film d'Alfred
Hitchcock que j'ai le plus regardé et celui que je préfère. Ça a
commencé quand il n'y avait que trois chaînes de télévision, en
version française évidemment, ça a continué au cinéma puis en
DVD. J'ai vu le film deux fois en salle en 35mm. La première fois au
Grand Action, rue des Ecoles à Paris, projeté sur l'écran concave
de la salle Henri Langlois, une version sublime qui venait d'être
restaurée. La deuxième fois au Ciné-club de Grenoble sur un écran
plat. Là, il est apparu une chose incroyable. Nous (les spectateurs)
avons pu découvrir les micros au dessus de Cary Grant et des autres
interprètes et puis dans le grand finale sur le Mont Rushmore les
projecteurs qui éclairaient les cartons pâtes. Ce n'était pas une
hallucination collective, le format avait été respecté par
l'opérateur projectionniste, il avait tout simplement oublié de
mettre les caches sur l'appareil de projection, en haut et en bas,
pour donner l'aspect rectangulaire au film.
Autre
certitude : à peu près déjà tout a été écrit sur La
Mort aux trousses, le film est puissant, il possède un scénario
redoutablement bien écrit, il est admirablement bien joué, ses
scènes d'anthologie sont nombreuses, son influence sur les pairs
d'Hitchcock est essentielle (Arizona dream est resté dans les
mémoires pour sa parodie par Vincent Gallo de la scène de l'avion).
Et la musique de Bernard Herrmann, quelle partition magnifique, toute
en boucles, en répétitions, en fulgurations (Steve Reich et Philip
Glass lui doivent tout). La modernité du film tient à son mode de
narration, une linéarité de récit sur un personnage qui n'existe
pas (le fameux George Kaplan) qui va enfin prendre corps grâce à un
type ultra-conformiste (Roger Thornhill), l'Américain col blanc que
joue avec tant de classe Cary Grant. Alfred Hitchcock mettait le
spectateur à la place de ce pauvre Roger et lui déversait tout un
flot d'aventures dont il devait, tant bien que mal, se sortir. Une
révolution cinématographique qu'il réitérera dans Psychose
avec Marion Crane.
Aucun
autre acteur (d'Hitchcock) n'aurait pu jouer Roger Thornhill comme
Cary Grant, ni James Stewart, ni Gregory Peck, ni Henry Fonda, ni
Montgomery Clift. Un de mes amis cinéphiles (et admirateur de Cary
Grant) m'a toujours donné l'indice suivant : tout tient dans
les chemises blanches et si bien repassées que Cary Grant porte. Je
me suis amusé à faire une série de captures d'écran (d'après le
DVD édité par Warner Bros), ce ne sont donc que des images avec
Cary Grant. Il porte ces délicates chemises blanches dans toutes les
scènes (à l'exception de celle où il devient le porteur des
valises d'Eva Marie Saint sur le quai de la gare pour passer
inaperçu). En costumes cravate, sans cravate, en caleçon, jamais
Cary Grant ne froisse ses chemises. Pas même lors des trois scènes
d'action, la descente en voiture inconscient, l'attaque par l'avion,
l'escalade du Mont Rushmore. Plus que l'énigme sur l'identité de
George Kaplan, qui met James Mason et Martin Landau dans tous leurs
états (-unis) de New York au Dakota, c'est bien ce pli parfait et
l’immaculé de ce blanc qui ne cessent de faire sens et de créer
le personnage de Roger Thornhill.
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