Aujourd'hui,
j'ai choisi le film le plus court parmi les sorties de la semaine :
Madame B histoire d'une nord-coréenne ne fait que 71 minutes
mais sa brièveté est inversement promotionnelle à sa densité.
Soutenu par l'ACID, ce documentaire franco-coréen (du sud) ne
filmera jamais la Corée du nord, c'est même tout le sujet du film,
comment fuir cette tyrannie. Madame B est suivie, en début de film,
sur son parcours du quotidien. La caméra, que j'imagine petite tant
l'image est « pauvre », suit la femme dans une bagnole,
sur une moto. Elle demande à ce qu'on ne filme pas, elle passe des
coups de téléphone.
Madame
B fait passer des Nord-coréens en Chine, là-haut tout en haut de la
carte, comme elle le montre sur google maps, près du fleuve Tumen.
C'est là qu'elle a débarqué quand elle a fui son pays natal,
laissant là-bas son époux et ses deux fils. Quand le film commence,
elle ne les a pas vus depuis neuf ans. Un siècle dans une vie de
mère. Elle n'a pas toujours été passeur (et le film prend une
actualité mordante avec tout ce qui se passe chez nous), elle a
vendu de la meth importée de Corée du nord, raconte-t-elle en
rigolant, elle a fait des petits trafics pour gagner sa vie en Chine
Madame
B raconte qu'elle a été achetée en 2003 par un paysan chinois.
Elle vit toujours avec lui dans leur ferme. Seulement voilà, ce
mariage, cet achat d'épouse est illégal et Madame B est
sans-papiers, elle ne peut pas avoir un vrai boulot, d'où l'idée
des trafics puis de faire venir des nord-coréens en Chine. Elle a
appris le mandarin, on entend dans le film autant de chinois (pour
parler avec son mari et ses beaux-parents) que de coréen (pour
parler avec les gens qu'elle fait sortir de son pays). Dans les deux
langues, Madame B n'a pas la langue dans sa poche.
La
première partie est extrêmement rythmée, rapide, enlevée, Madame
B est une tornade, en comparaison avec son mari qu'elle gronde
gentiment. Mais il fait grise mine, elle prépare son départ pour la
Corée du sud. Elle a réussi à exfiltrer son mari et ses enfants et
part les rejoindre. La deuxième partie est consacrée au voyage
qu'elle effectue. Une petite carte montre le parcours. Elle va en car
jusqu'au sud est de la Chine, traverse le Laos à pied, pour arriver
en Thaïlande. Elle n'est pas seule, une demie douzaine de
personnages l'accompagnent, dont une maman avec son bébé, qu'elle
ne se gêne pas de critiquer.
Deux
ans plus tard, le cinéaste la retrouve à Séoul, aussi immense que
son village du nord de la Chine était minuscule. Le grand étonnement
du film est double. D'un côté, elle affirme être soupçonnée
d'être une espionne par les services de renseignements, tout comme
son mari nord-coréen. De l'autre côté, elle a la nostalgie de sa
vie en Chine, elle converse avec son mari chinois par Internet. Elle
ne parvient pas à s'adapter à Séoul, contrairement aux deux
enfants, désormais adultes, qui passent leur temps à regarder des
séries télé. Madame B histoire d'une exilée.
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