mercredi 22 février 2017

Madame B histoire d'une nord-coréenne (Jero Yun, 2016)

Aujourd'hui, j'ai choisi le film le plus court parmi les sorties de la semaine : Madame B histoire d'une nord-coréenne ne fait que 71 minutes mais sa brièveté est inversement promotionnelle à sa densité. Soutenu par l'ACID, ce documentaire franco-coréen (du sud) ne filmera jamais la Corée du nord, c'est même tout le sujet du film, comment fuir cette tyrannie. Madame B est suivie, en début de film, sur son parcours du quotidien. La caméra, que j'imagine petite tant l'image est « pauvre », suit la femme dans une bagnole, sur une moto. Elle demande à ce qu'on ne filme pas, elle passe des coups de téléphone.

Madame B fait passer des Nord-coréens en Chine, là-haut tout en haut de la carte, comme elle le montre sur google maps, près du fleuve Tumen. C'est là qu'elle a débarqué quand elle a fui son pays natal, laissant là-bas son époux et ses deux fils. Quand le film commence, elle ne les a pas vus depuis neuf ans. Un siècle dans une vie de mère. Elle n'a pas toujours été passeur (et le film prend une actualité mordante avec tout ce qui se passe chez nous), elle a vendu de la meth importée de Corée du nord, raconte-t-elle en rigolant, elle a fait des petits trafics pour gagner sa vie en Chine

Madame B raconte qu'elle a été achetée en 2003 par un paysan chinois. Elle vit toujours avec lui dans leur ferme. Seulement voilà, ce mariage, cet achat d'épouse est illégal et Madame B est sans-papiers, elle ne peut pas avoir un vrai boulot, d'où l'idée des trafics puis de faire venir des nord-coréens en Chine. Elle a appris le mandarin, on entend dans le film autant de chinois (pour parler avec son mari et ses beaux-parents) que de coréen (pour parler avec les gens qu'elle fait sortir de son pays). Dans les deux langues, Madame B n'a pas la langue dans sa poche.

La première partie est extrêmement rythmée, rapide, enlevée, Madame B est une tornade, en comparaison avec son mari qu'elle gronde gentiment. Mais il fait grise mine, elle prépare son départ pour la Corée du sud. Elle a réussi à exfiltrer son mari et ses enfants et part les rejoindre. La deuxième partie est consacrée au voyage qu'elle effectue. Une petite carte montre le parcours. Elle va en car jusqu'au sud est de la Chine, traverse le Laos à pied, pour arriver en Thaïlande. Elle n'est pas seule, une demie douzaine de personnages l'accompagnent, dont une maman avec son bébé, qu'elle ne se gêne pas de critiquer.

Deux ans plus tard, le cinéaste la retrouve à Séoul, aussi immense que son village du nord de la Chine était minuscule. Le grand étonnement du film est double. D'un côté, elle affirme être soupçonnée d'être une espionne par les services de renseignements, tout comme son mari nord-coréen. De l'autre côté, elle a la nostalgie de sa vie en Chine, elle converse avec son mari chinois par Internet. Elle ne parvient pas à s'adapter à Séoul, contrairement aux deux enfants, désormais adultes, qui passent leur temps à regarder des séries télé. Madame B histoire d'une exilée.

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