mardi 7 février 2017

Lune de miel mouvementée (Leo McCarey, 1942)

En voilà une brillante idée de se marier à Vienne en 1938. La pimpante Katherine Butt-Smith (Ginger Rogers) appelle de l'Autriche sa petite maman qui vit à Brooklyn pour lui annoncer la bonne nouvelle. La mère, avec son accent new-yorkais à couper au couteau n'est pas émue plus que cela que sa fille, ancienne Miss de beauté devienne baronne. Mais pour Katherine, c'est la consécration. A elle les bijoux, le titre et les belles robes. D'ailleurs, elle attend le couturier qui doit prendre ses mesures.

Egalement au téléphone, le sémillant Patrick O'Toole (Cary Grant) appelle Katherine. Lui est journaliste et se fait passer pour un fonctionnaire de l'ambassade des USA. Il cherche à faire une interview de la jeune femme. Son rédacteur en chef est persuadé que le baron Von Luber (Walter Slezak) est l'un des bras droits d'Hitler et engage son reporter à enquêter. O'Toole file directement chez Katherine. Là, la femme de chambre croit qu'il est le couturier et, avec quelques gestes précieux, tente de lui tirer les vers du nez.

Cette entrée en matière, bourrée de coups de téléphone, est délicieuse. Cary Grant distille dans son personnage une malice, une ironie face à Ginger Rogers qui joue la naïve, la candide dans cette Europe qui s'apprête à être engloutie par Hitler. Cette invasion de l'appartement de Katherine par O'Toole (qui se trompe toujours dans la prononciation de son nom de famille) permet aux deux personnages de se jauger, de se confronter. Et justement, le journaliste ne cesse de tourner, au sens propre, autour de Katherine, d'ausculter son corps dans un ballet comique de haut vol.

Vienne 1938 donc. Lune de miel mouvementée commence justement le jour de l'Anschluss. Et tandis que Katherine prépare ses valises pour la lune de miel avec le baron, ce dernier sabre le champagne avec trois dignitaires nazis dans la pièce à côté pour fêter l'annexion de l'Autriche par Hitler. Quand elle vient les voir, le baron lui fait croire qu'ils trinquent au mariage. C'est que la fiancée est convaincue que le baron est un adversaire farouche de Hitler, qu'il est au contraire un partisan de la paix, ne lui répète-t-il pas d'ailleurs plusieurs fois cela ?

Patrick O'Toole veut au contraire dessiller Katherine et décide de suivre le couple partout où il se rend. La grande force humoristique du film tient dans le trajet entrepris pour la lune de miel. Chaque pays visité par le baron et la baronne est envahi par les nazis. Et chaque invasion est annoncée par le même gimmick, une croix gammée au milieu d'une horloge, marquant la course contre la montre de la montée du nazisme, de l'arrivée de la guerre et de la privation de la liberté pour les populations.

Prague, Varsovie, la Norvège, la Belgique et enfin Paris. « Chaque fois qu'on arrive dans un pays, le pays s'effondre » dit Katherine avec un étonnement non feint. Pourtant O'Toole ne cesse de la prévenir, de lui donner des indices sur l'implication du baron Von Luber, mais elle n'y croit. Jusqu'en Pologne où elle donne son passeport à Anna (Natasha Lytess), la femme de chambre juive pour qu'elle puisse s'enfuir avec ses enfants. A partir de ce moment, elle décide de quitter le baron pour suivre O'Toole et rentrer aux USA.

Parmi tous les films anti-nazis hollywoodiens, Lune de miel mouvementée est l'un des plus drôles (avec To be or not to be et Le Dictateur) mais si l'humour reste constamment présent, le ton devient régulièrement très sérieux, la charge politique prend le dessus dans les scènes du ghetto de Varsovie où O'Toole et Katherine se trouvent enfermés, avec l'assassinat du général polonais Borelski (Albert Bassermann), avec l'exode. A chaque étape, Leo McCarey inclut des images d'archive d'Hitler et de ses troupes de plus en plus nombreuses.

A Paris, le couple est en train de se former. Romantique, la ville permet à Katherine d'enfin dire son vrai nom : O'Hara. Avec O'Toole, ils vont boire du champagne à Montmartre avant d'être embringué dans la résistance (le terme n'est jamais employé dans le film, ils parlent d'agent double) et rencontrent Gaston Leblanc (Albert Dekker), photographe français, à moins qu'il ne soit allemand ou américain. Le finale est un feu d'artifice d'humour et marque l'unique rencontre entre le baron et Patrick O'Toole.

























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