En
voilà une brillante idée de se marier à Vienne en 1938. La
pimpante Katherine Butt-Smith (Ginger Rogers) appelle de l'Autriche
sa petite maman qui vit à Brooklyn pour lui annoncer la bonne
nouvelle. La mère, avec son accent new-yorkais à couper au couteau
n'est pas émue plus que cela que sa fille, ancienne Miss de beauté
devienne baronne. Mais pour Katherine, c'est la consécration. A elle
les bijoux, le titre et les belles robes. D'ailleurs, elle attend le
couturier qui doit prendre ses mesures.
Egalement
au téléphone, le sémillant Patrick O'Toole (Cary Grant) appelle
Katherine. Lui est journaliste et se fait passer pour un
fonctionnaire de l'ambassade des USA. Il cherche à faire une
interview de la jeune femme. Son rédacteur en chef est persuadé que
le baron Von Luber (Walter Slezak) est l'un des bras droits d'Hitler
et engage son reporter à enquêter. O'Toole file directement chez
Katherine. Là, la femme de chambre croit qu'il est le couturier et,
avec quelques gestes précieux, tente de lui tirer les vers du nez.
Cette
entrée en matière, bourrée de coups de téléphone, est
délicieuse. Cary Grant distille dans son personnage une malice, une
ironie face à Ginger Rogers qui joue la naïve, la candide dans
cette Europe qui s'apprête à être engloutie par Hitler. Cette
invasion de l'appartement de Katherine par O'Toole (qui se trompe
toujours dans la prononciation de son nom de famille) permet aux deux
personnages de se jauger, de se confronter. Et justement, le
journaliste ne cesse de tourner, au sens propre, autour de Katherine,
d'ausculter son corps dans un ballet comique de haut vol.
Vienne
1938 donc. Lune de miel mouvementée commence justement le
jour de l'Anschluss. Et tandis que Katherine prépare ses valises
pour la lune de miel avec le baron, ce dernier sabre le champagne
avec trois dignitaires nazis dans la pièce à côté pour fêter
l'annexion de l'Autriche par Hitler. Quand elle vient les voir, le
baron lui fait croire qu'ils trinquent au mariage. C'est que la
fiancée est convaincue que le baron est un adversaire farouche de
Hitler, qu'il est au contraire un partisan de la paix, ne lui
répète-t-il pas d'ailleurs plusieurs fois cela ?
Patrick
O'Toole veut au contraire dessiller Katherine et décide de suivre le
couple partout où il se rend. La grande force humoristique du film
tient dans le trajet entrepris pour la lune de miel. Chaque pays
visité par le baron et la baronne est envahi par les nazis. Et
chaque invasion est annoncée par le même gimmick, une croix gammée
au milieu d'une horloge, marquant la course contre la montre de la
montée du nazisme, de l'arrivée de la guerre et de la privation de
la liberté pour les populations.
Prague,
Varsovie, la Norvège, la Belgique et enfin Paris. « Chaque
fois qu'on arrive dans un pays, le pays s'effondre » dit
Katherine avec un étonnement non feint. Pourtant O'Toole ne cesse de
la prévenir, de lui donner des indices sur l'implication du baron
Von Luber, mais elle n'y croit. Jusqu'en Pologne où elle donne son
passeport à Anna (Natasha Lytess), la femme de chambre juive pour
qu'elle puisse s'enfuir avec ses enfants. A partir de ce moment, elle
décide de quitter le baron pour suivre O'Toole et rentrer aux USA.
Parmi
tous les films anti-nazis hollywoodiens, Lune de miel mouvementée
est l'un des plus drôles (avec To be or not to be et Le
Dictateur) mais si l'humour reste constamment présent, le ton
devient régulièrement très sérieux, la charge politique prend le
dessus dans les scènes du ghetto de Varsovie où O'Toole et
Katherine se trouvent enfermés, avec l'assassinat du général
polonais Borelski (Albert Bassermann), avec l'exode. A chaque étape,
Leo McCarey inclut des images d'archive d'Hitler et de ses troupes de
plus en plus nombreuses.
A
Paris, le couple est en train de se former. Romantique, la ville
permet à Katherine d'enfin dire son vrai nom : O'Hara. Avec
O'Toole, ils vont boire du champagne à Montmartre avant d'être
embringué dans la résistance (le terme n'est jamais employé dans
le film, ils parlent d'agent double) et rencontrent Gaston Leblanc
(Albert Dekker), photographe français, à moins qu'il ne soit
allemand ou américain. Le finale est un feu d'artifice d'humour et
marque l'unique rencontre entre le baron et Patrick O'Toole.
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