Chaque
fois que je regarde Videodrome, je suis un peu perdu, sans
vraiment savoir si c'est à cause de moi (alors que je comprends très
bien eXistenZ qui lui ressemble beaucoup) ou si c'est parce
David Cronenberg qui se complique la tâche. Je suis comme Max Renn,
le personnage de James Woods qui navigue à vue, clignant les yeux de
ce qu'il regarde sans trop y croire tout en voulant y croire. Mais je
tente régulièrement de comprendre le film. Max Renn dira en fin de
film « je cherche à retrouver mon chemin ».
Ce
chemin commence dans un studio de télévision où Max Renn est
invité à discuter de la violence à la télé et de ses
conséquences sur les téléspectateurs. A côté de lui, une autre
invitée Nicki Brand (Deborah Harry), animatrice de radio, dans une
robe si rouge qu'elle provoque l'irrémédiable envie de Max de
l'inviter à dîner le soir-même, abandonnant la discussion du
talk-show à la présentatrice et à Brian O'Blivion (Jack Creley)
attention jeu de mots sur-signifiant dans son nom, encastré dans un
écran parce que c'est pour lui la seule manière de venir parler à
la télévision (attention mise en abyme vertigineuse).
Etape
suivante, la propre télé de Max, appelée Civic TV (canal 83, câble
12), une chaîne que l'on qualifierait de télé poubelle. Sur les
murs, toute une ribambelle d'affiches de films aux titres
sensationnels, de la série B ou Z qui doit passer en boucle (les
affiches sont largement inspirées de celles des films précédents
de David Cronenberg, pas dupe pour deux sous de ce que l'on pouvait
penser de ses films ni du public qu'on lui prêtait). Ambiance bon
enfant dans cette chaîne, Max Renn semble être un patron proche de
ses employés, surtout de ses employées d'ailleurs.
Mais
l'employé qu'il vient voir ce jour-là est Harlan (Peter Dvorsky),
pur geek à lunettes, spécialiste du piratage informatique et qui a
récupéré sur les ondes un film « videodrome », d'une
durée de 53 secondes (comme un film Lumière) où deux hommes
masqués, dans une pièce sans fenêtre, torturent une femme nue. Max
veut ça pour sa télé. Il pousse son génie informatique à pirater
d'autres videodromes, il en veut plus, même si les images sont
dégueulasses, au grain ingrat, il devient accro à ces films dont il
ignore l'origine.
Passée
cette présentation tout ce qu'il y a de plus classique, David
Cronenberg se lance dans ce qu'il réussit le mieux, la réalité
parallèle qui envahit l'espace et le cerveau de son héros. Cette
réalité arrive par petites touches, la première touche est que
Nicky qu'il a réussi à inviter chez lui accepte de regarder un
videodrome. Affligée de cicatrices sur l'épaule droite, elle
annonce qu'elle aimerait que Max lui en fasse d'autres et tandis
qu'ils couchent ensemble, le décor du salon de Max devient la
fenêtre sans pièce du film de torture.
Harlan
met Max sur la piste d'autres personnages. Bianca O'Blivion (Sonja
Smits) leader de l'Eglise du Rayon Cathodique puis Barry Convex (Les
Carlson) propriétaire d'une boutique de lunettes Spectacular Optic.
Deux personnages qui cachent bien leur jeu sous leurs aspects bien
propres sur eux mais dont les propos, souvent complexes à suivre,
vont emmener Max vers cette réalité parallèle, sans que l'on ne
sache vraiment si elle est onirique, hallucinée ou réelle. C'est là
que se loge l'énigmatique beauté de Videodrome.
Cette
beauté vaut par les images inspirées du cinéaste, autant d'images
qui font écran à la réalité. Cette cassette VHS qui s'anime, qui
respire, qui pénètre dans les entrailles comme dans un
magnétoscope. Cette télévision qui prend vie, parle à Max par la
grâce de la bouche pulpeuse de Debbie Harry. Ce revolver qui se
greffe sur la main de Max. Cette explosion visqueuse de Convex. Ces
transformations physiques (et donc mentales) qui font que Max devient
« la parole vidéo faite chair ». « Death to
videodrome, long live the new flesh ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire