mercredi 19 juillet 2017

Videodrome (David Cronenberg, 1982)

Chaque fois que je regarde Videodrome, je suis un peu perdu, sans vraiment savoir si c'est à cause de moi (alors que je comprends très bien eXistenZ qui lui ressemble beaucoup) ou si c'est parce David Cronenberg qui se complique la tâche. Je suis comme Max Renn, le personnage de James Woods qui navigue à vue, clignant les yeux de ce qu'il regarde sans trop y croire tout en voulant y croire. Mais je tente régulièrement de comprendre le film. Max Renn dira en fin de film « je cherche à retrouver mon chemin ».

Ce chemin commence dans un studio de télévision où Max Renn est invité à discuter de la violence à la télé et de ses conséquences sur les téléspectateurs. A côté de lui, une autre invitée Nicki Brand (Deborah Harry), animatrice de radio, dans une robe si rouge qu'elle provoque l'irrémédiable envie de Max de l'inviter à dîner le soir-même, abandonnant la discussion du talk-show à la présentatrice et à Brian O'Blivion (Jack Creley) attention jeu de mots sur-signifiant dans son nom, encastré dans un écran parce que c'est pour lui la seule manière de venir parler à la télévision (attention mise en abyme vertigineuse).

Etape suivante, la propre télé de Max, appelée Civic TV (canal 83, câble 12), une chaîne que l'on qualifierait de télé poubelle. Sur les murs, toute une ribambelle d'affiches de films aux titres sensationnels, de la série B ou Z qui doit passer en boucle (les affiches sont largement inspirées de celles des films précédents de David Cronenberg, pas dupe pour deux sous de ce que l'on pouvait penser de ses films ni du public qu'on lui prêtait). Ambiance bon enfant dans cette chaîne, Max Renn semble être un patron proche de ses employés, surtout de ses employées d'ailleurs.

Mais l'employé qu'il vient voir ce jour-là est Harlan (Peter Dvorsky), pur geek à lunettes, spécialiste du piratage informatique et qui a récupéré sur les ondes un film « videodrome », d'une durée de 53 secondes (comme un film Lumière) où deux hommes masqués, dans une pièce sans fenêtre, torturent une femme nue. Max veut ça pour sa télé. Il pousse son génie informatique à pirater d'autres videodromes, il en veut plus, même si les images sont dégueulasses, au grain ingrat, il devient accro à ces films dont il ignore l'origine.

Passée cette présentation tout ce qu'il y a de plus classique, David Cronenberg se lance dans ce qu'il réussit le mieux, la réalité parallèle qui envahit l'espace et le cerveau de son héros. Cette réalité arrive par petites touches, la première touche est que Nicky qu'il a réussi à inviter chez lui accepte de regarder un videodrome. Affligée de cicatrices sur l'épaule droite, elle annonce qu'elle aimerait que Max lui en fasse d'autres et tandis qu'ils couchent ensemble, le décor du salon de Max devient la fenêtre sans pièce du film de torture.

Harlan met Max sur la piste d'autres personnages. Bianca O'Blivion (Sonja Smits) leader de l'Eglise du Rayon Cathodique puis Barry Convex (Les Carlson) propriétaire d'une boutique de lunettes Spectacular Optic. Deux personnages qui cachent bien leur jeu sous leurs aspects bien propres sur eux mais dont les propos, souvent complexes à suivre, vont emmener Max vers cette réalité parallèle, sans que l'on ne sache vraiment si elle est onirique, hallucinée ou réelle. C'est là que se loge l'énigmatique beauté de Videodrome.

Cette beauté vaut par les images inspirées du cinéaste, autant d'images qui font écran à la réalité. Cette cassette VHS qui s'anime, qui respire, qui pénètre dans les entrailles comme dans un magnétoscope. Cette télévision qui prend vie, parle à Max par la grâce de la bouche pulpeuse de Debbie Harry. Ce revolver qui se greffe sur la main de Max. Cette explosion visqueuse de Convex. Ces transformations physiques (et donc mentales) qui font que Max devient « la parole vidéo faite chair ». « Death to videodrome, long live the new flesh ».



























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