jeudi 27 juillet 2017

Le Mystère Von Bülow (Barbet Schroeder, 1990)

« Ceci était mon corps », cette simple phrase qui lance le long monologue en voix off de l'ouverture du Mystère Von Bülow vient, non pas d'un mort comme dans Sunset Boulevard, mais d'une femme dans le coma. Sunny Von Bülow (Glenn Close) se présente au spectateur mais il en sait déjà beaucoup grâce à l'incroyable plan séquence qui affleure la côte du Rhode Island où les demeures plus somptueuses et luxueuses les unes que les autres se succèdent. Bienvenue dans l'aristocratie de la Nouvelle Angleterre, bienvenue dans l'univers des Von Bülow.

Sunny le précise, elle est dans cette chambre d'hôpital, gardée par un policier, depuis le 21 décembre 1980, depuis qu'elle s'est écroulée dans sa salle de bains et que son époux Claus Von Bülow (Jeremy Irons) l'a découverte un matin. Avec son flegme tout britannique, Claus est d'abord aller alerter Alexander (Jad Mager), son beau-fils, né d'un premier mariage mondain de Sunny avec un noble allemand. Le fils a appelé une ambulance. Voilà pourquoi Sunny est là, dit-elle sur un ton détaché, non dénué d'ironie qui détonne et fait même sourire malgré la gravité de la situation.

Entre le 21 décembre 1980 et aujourd'hui quand se déroule le récit, Claus a été condamné à 30 ans de prison. Assez vite, son beau-fils et sa grande sœur Ala (Sarah Fearon), avec le témoignage de Maria (Uta Hagen), la très dévouée bonne de Sunny, ont accusé Claus. En cause, un flacon d'insuline trouvée dans une sacoche noire. « But my lady is not diabetic », affirme Maria dans un des récurrents flash-backs qui scandent le film. Elle le réaffirme devant les juges. Mais depuis, Claus clame son innocence et a payé une forte caution pour son procès en appel.

C'est le début d'un duo de personnages les plus opposés possible. Claus Von Bülow est immense, légèrement dégarni sur l'arrière du crâne, blond, pâle, toujours tiré à quatre épingles, cigarette à la main, et Jeremy Irons est absolument génial dans ce rôle qui lui a valu un Oscar. Face à lui, un avocat d'Harvard, Alan Dershowitz (Ron Silver), new-yorkais pur jus, fan de basket, séparé de sa femme, vivant avec son fils dans une modeste maison, moustachu, cheveux bruns bouclés. Impulsif quand Claus est toujours calme, c'est cet homme qui va devenir son nouvel avocat.

Ses amis, ses élèves, son fils, son ex-femme ne comprennent pas pourquoi Dersh, comme tout le monde l'appelle, va défendre ce bourgeois si loin de ses cas habituels, il défendaient deux jeunes Noirs condamnés à mort. Lors de leur première rencontre dans son appartement à la déco chargée, Claus lui dira qu'il a toujours eu en estime le peuple juif, manière de se dédouaner des affinités nazies de ses parents, plus tard Dersh dira à son client « Vous êtes vraiment un homme étrange », et Claus Von Bülow de répliquer « Vous n'avez pas idée ».

Barbet Schroeder, en cinéaste européen à Hollywood, a l'excellente idée de ne pas filmer le procès, genre typiquement américain plein de codes et de rituels. Il se concentre sur les préparatifs du procès, suit pas à pas l'équipe d'étudiants de Dersh, une douzaine de futurs avocats issus du melting pot. L'arrivée de Claus au milieu de cette troupe est l'occasion d'un humour noir dans un restaurant chinois ou dans la maison de l'avocat qui prend des allures de colonie de vacances. Claus se permet quelques blagues devant lesquelles l'équipe rit jaune.

Cette reconstitution de l'affaire Von Bülow est polyphonique, une merveille de mise en scène en gigogne, en points de vue variés et contradictoires, flash-back et flash-forward, suppositions et convictions. Sans, bien entendu, donner un avis sur la culpabilité de notre homme. La souveraine et subtile fluidité narrative du Mystère Von Bülow, je ne l'avais pas repérée quand j'avais vu le film pour la première fois, il y a de cela des années, aujourd'hui elle m'a frappé de plein fouet et je crois que c'est l'un des meilleurs films de Barbet Schroeder.





















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