Comme
Chromosome 3, j'ai souvent vu Dead zone quand j'étais
adolescent lors de ses passages télé, toujours en VF, bien entendu.
D'ailleurs les stigmates de cette VF sont encore visibles sur mon
vieux DVD pas du tout restauré, le générique est en français.
C'est le premier film que tournait David Cronenberg à Hollywood (il
reviendra assez vite au Canada pour garder son indépendance),
produit par Dino de Laurentiis, le gars qui embauchera David Lynch
l'année suivante pour Dune.
C'est
un film de facture très classique, bien sage par rapport à Scanners
et Videodrome mais David Cronenberg a eu la chance d'avoir
Christopher Walken et son regard halluciné pour jouer Johnny Smith,
gentil professeur de littérature qui enseigne et lit du Edgar Alan
Poe à ses élèves. Johnny a une jolie fiancée, Sarah (Brooke
Adams), elle aussi professeur. Le soir, il la raccompagne sagement
chez elle, tellement sage qu'il refuse de venir boire un dernier
verre et plus si affinités. Il décide de rentrer dans sa
coccinelle.
Accident
de voiture, il se fait percuter par un poids lourd. Il se retrouve
dans le coma et se réveille cinq ans plus tard dans la clinique du
Dr. Sam Weizak (Herbert Lom). Très croyants, les parents de Johnny
sont là à son réveil, la mère parle de miracle divin, le père
annonce que Sarah s'est mariée depuis. David Cronenberg aurait pu
esquisser un sous-texte sur la virginité de Johnny, raison de ses
dons de divination, mais non.
Donc
ce regard de Christopher Walken se transforme soudain, un simple
écarquillement des yeux, quand il saisit la main d'une personne et
lit en elle, son passé, son futur, son présent. C'est d'abord une
infirmière, puis son médecin qui le plonge dans la seconde guerre
mondiale, avec le docteur enfant, au milieu des bombes, remis par sa
mère à des gens qui fuient. Et bien figure-vous que Johnny réussit
à retrouver la maman. Sam Weizak est le premier à le croire.
J'ai
l'air un peu de me moquer de la gentillesse soudaine du cinéaste
mais c'est une concession obligée à Hollywood. Le récit de Dead
zone est une suite d'épisodes où Johnny Smith va utiliser son
pouvoir de vision. Le format adopté par le scénariste auquel se
plie David Cronenberg est déjà celui du feuilleton, ce qui donnera
20 ans plus tard l'idée à un autre producteur de faire une série.
Dans cette forme courte, le cinéaste perd un peu de sa densité.
C'est
le deuxième « épisode » qui est le plus réussi, qui
rassemble la forme cronenbergienne. Le décor : une ville sous
la neige, un serial killer qui ne cesse d'échapper à la police. Le
chef (Tom Skerritt) et Dodd son assistant (Nicholas Cambell)
enquêtent en vain. Ils font ainsi appel à Johnny, il hésite,
refuse puis se ravise vient les aider. Ce long tunnel sombre où un
indice aurait été laissé par le meurtrier est la métaphore du
cerveau de Johnny.
Nicholas
Campbell (déjà présent dans Chromosome 3, l'assistant du
psychiatre) est le personnage dont je regrette le plus qu'il ne soit
pas mieux dessiné, que le film ne soit pas plus consacré à son
histoire. Comme celle de Johnny, la mère de Dodd est une bigote, et
elle sait que son fils est ce serial killer. Son suicide est l'une
des plus scènes du film, évidemment atroce, où silencieusement
Dodd se plante une paire de ciseaux dans la bouche et le cerveau.
Le
caractère fantastique et horrifique (bien édulcoré) révèle la
gangrène qui touche les institutions. Critique de la religiosité,
puis critique dans le troisième épisode des élites financières et
politiques. Un homme d'affaire veut forcer son fils à faire du
hockey sur glace, dans ce gamin, Johnny Smith se retrouve et l'ouvre
à la littérature tout en lui évitant une mort certaine. C'est
enfin Martin Sheen en politicien annonçant déjà Donald Trump qui
conclue le film.
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