vendredi 7 juillet 2017

L'Inconnu (Tod Browning, 1927)

On ne saura jamais pourquoi la jeune femme du cirque ne supporte pas que des mains d'homme la touchent. Nanon (Joan Crawford), jeune gitane, a cette aversion, elle repousse l'athlète Malabar (Norman Keary), costaud qui tord des barres de fer sur ses épaules, dès qu'il s'approche pour lui parler tendrement. Malabar, avec sa fine moustache et ses yeux tendres, est d'une gentillesse et d'une douceur inversement proportionnelles à son numéro de monsieur Muscle.

En 1927, Tod Browning cherche à sublimer l'érotisme de son actrice, il atteint son paroxysme dans l'un des numéros de cirque. Elle est la cible du lanceur de couteaux, Alonzo (Lon Chaney) – qui commence d'ailleurs son tour avec un fusil, assis sur un tourniquet – les lames qu'il lance coupent les bretelles de sa chemise et Nanon apparaît au public du cirque (et aux spectateurs du film) en tenue légère, la semi nudité des corps prend une place importante dans le film.

Justement, après son numéro, Alonzo retire sa tenue de scène. Il est l'attraction majeure du cirque espagnol de Monsieur Zanzi, gitan fort en gueule, pour une raison simple, il lance ses couteaux avec les pieds, il est amputé des deux bras. Son serviteur, le nain Cojo (John George) connaît le secret d'Alonzo et il est révélé le soir dans leur roulotte, ses deux bras sont bien là, enroulés et pliés sous sa tunique. Ce secret, bien gardé, lui permet d'espérer que Nanon, la fille de Zanzi, s'intéresse à lui.

Puisque Alonzo n'a pas de bras, il peut réconforter la jeune femme, la rassurer, avec lui pas de peur de mains baladeuses. Tod Browning jouait à érotiser le corps de Joan Crawford, par contraste il rend les regards de Lon Chaney inquiétant, glissant la romance contrariée vers le film d'horreur, d'autant qu'il possède une réelle infirmité : deux pouces à la main gauche. Les pirouettes scénaristiques incroyables passent naturellement grâce aux yeux de son acteur, ils sont l'entrée par laquelle Tod Browning pénètre dans son esprit malade.

Après une longue absence, Alonzo revient au cirque mais tout a changé. Proie de la démence d'Alonzo, le pauvre Malabar, gentil gars, va être tiraillé par deux chevaux au galop dans le nouveau numéro du cirque. Là aussi, le cinéaste instille l'inquiétude avec un jeu de champ contrechamp, une économie de cartons d'intertitres, un jeu de regards, les visages ravis du colosse et de Nanon qui s'est laissée apprivoiser par Malabar et la furie destructrice du manchot. 47 minutes de pure terreur.

























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