Les
premiers plans de Hair laissent découvrir les grands espaces
de l'ouest américain, l'Oklahoma où Claude Bukowski (Fred Savage)
quitte la maison familiale, se fait conduire par son père jusqu'au
car et se rend à New York pour s'engager dans l'armée. Claude est
un petit gars, un jeune redneck portant un jean, un chapeau de
cow-boy et des santiags, il part de son trou perdu où on ne repère
que la ferme entourée d'immenses prairies où paissent de paisibles
chevaux et une petite église. Ces grands espaces reviendront en fin
de film, cette fois dans un camp militaire du Nevada où les jeunes
recrues, parmi elle Claude, s'entraînent à aller tuer du Viet Cong.
Cette
entrée en matière a une volonté de mise en scène réaliste, une
lenteur qui se modifie au fil du trajet en car avec l'arrivée de la
musique et de la première chorégraphie dans Central Park. Hair
sera un combat incessant entre le réalisme de la guerre et la
fantaisie des chansons, entre le trajet rectiligne de Claude de
l'Oklahoma au Vietnam et les danses circulaires de la troupe de Hair.
Au contact de l'un des motifs avec l'autre, Milos Forman adopte des
conversions de ton, assez vite illustrée avec la chanson « sodomy,
fellatio, cuninlingus », des mots lancée par Woof Dashund (Don
Dacus), le grand blond aux cheveux longs, mots franchement rarement
utilisés dans un film grand public.
Claude
Bukowski, avec son chapeau et ses santiags, débarque donc à New
York et s'empresse de visiter la ville. C'est à Central Park que ce
grand naïf croise le regard de Sheila (Berverly d'Angelo),
bourgeoise des Hamptons qui vient faire, avec deux amies snobinardes,
un tour de cheval. Pour lui, c'est le coup de foudre. Elle le
remarque à peine, ou feint de ne pas le voir. Il fera le fanfaron,
quelques pirouettes et acrobaties sur le cheval qu'a loué Berger
(Treat Williams) pour imiter les trois femmes et qui lui a échappé.
Claude montre à Sheila qu'il en a derrière les fagots.
C'est
là, dans ce parc, qu'il rencontre quatre hippies avec lesquels il va
passer ces deux jours, il n'avait pas prévu de devenir ami avec
Berger, Jeannie (Annie Golden), Lafayette (Dorsey Wright) et Woof.
Quatre archétypes du hippie, quatre chevelus mais chacun venu d'un
univers différent. Milos Forman ne s'attarde pas sur leur vie
passée, on comprend que Woof passe pour un homo auprès de sa
famille qui l'a chassé, que Lafayette a abandonné sa femme et leur
fils et que Berger a des parents de la classe moyenne. De Jeannie on
saura seulement qu'elle attend un enfant sans qu'elle ne sache qui en
est le père. Quatre jeunes de 1968 anti-guerre, anti-gouvernement,
anti-flics.
Le
portrait de cette Amérique est on ne peut plus multiculturelle et
colorée (« I'm pink, I'm black » chantent-ils), ce panel
composite va s'unir pour que Sheila la bourgeoise coincée dans une
famille égoïste (le fiancé ridicule qu'est Steve Wright, joué par
Mile Chapin, se fait piquer sa voiture par Berger) retrouve Claude
Bukowski. Cela passe par la découverte du LSD (« An old
Fashioned Melody ») où il hallucine son mariage et la
naissance de leur enfant (l'une des plus belles scènes du film).
Cela se poursuit par le ravage des fiançailles (Berger danse sur la
table). Cela s'achève avec l'escapade jusqu'au Nevada en bagnole
dans un road movie qui tourne court et se termine tragiquement (« Let
the sunshine »).
Toutes
les scènes sont l'occasion d'une chanson et je les trouve toutes
géniales. Les chansons gaies (« Black boys » puis
« White boys » chantées lors de la scène d'intégration
de l'armée) tout en mouvements chaloupés, en chorégraphies
circulaires, en polyphonie cède dans la deuxième moitié à des
chansons plus tristes (« Easy to be hard », « 3.5.0.0 »),
plus politiques, plus poignantes quand Claude subit la dure loi de
l'armée dirigée par un Nicholas Ray en général va-t'en-guerre.
Milos Forman n'a pas besoin d'aller filmer la guerre au Vietnam, il
lui suffit d'un plan de tombe dans un cimetière militaire pour la
raconter. Soit le coup de massue du réalisme qui fait retour et
vampirise la comédie musicale. C'est l'un de mes films préférés
de Milos Forman, le premier que j'ai vu, en 1992. Il reste magnifique
à tous points de vue.
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