Entre
Koko le gorille qui parle et Barfly, Barbet Schroeder
tourne Tricheurs, son film le plus faible. Je l'ai vu comme un
galop d'essai à Barfly justement, que le cinéaste se
désespérait de ne pas pouvoir tourner faute de production, comme si
dans ce duo que composent Jacques Dutronc et Bulle Ogier, il
esquissait les prémisses de celui, largement plus convaincant, que
formeront trois ans plus tard Mickey Rourke et Faye Dunaway.
Tricheurs peut aussi se voir comme un succédané de More.
En 1969, c'était l'île d'Ibiza, en 1984, celle de Madère où se
déroule l'essentiel du film. C'était la drogue, c'est le jeu avant
d'aller explorer une troisième addiction, l'alcool dans Barfly.
Lui,
c'est Elric, flambeur impénitent, fantôme des casinos (celui où
est tourné le film est une création d'Oscar Newmeyer, en forme
d'araignée qui tient ses proies). Elle, c'est Suzie, venue là pour
affaires, comme elle dit, qui porte ce soi-là où il perd encore
tout son argent un t-shirt avec le chiffre 7 inscrit dans le dos.
Pile quand elle passe devant lui, il gagne sa mise. Il la poursuit,
la retrouve dans un bar exactement à 7h07 devant une pub 7Up. Il ne
lui en faut pas plus pour exiger qu'elle devienne « son
fétiche, sa mascotte ». C'est ainsi que Barbet Schroeder
embraye son récit, sur les effets du hasard, somme toute c'est bien
logique pour un film sur les jeux de hasard.
Plus
qu'un récit réellement charpenté, Tricheurs est la
chronique de ce joueur, une histoire inspirée de la vie de Steve
Baès qui joue le directeur du casino de Madère. Le film esquisse
bien une histoire d'amour entre Suzie et Elric mais la véritable
maîtresse de ce dernier est la roulette. Sa vie avec Suzie est un
temps suspendue avec la rencontre de l'arrogant Jorg (Kurt Raab),
fort en gueule peu discret. Ensemble ils écument les casinos du
monde entier qu'Elric énumère sur un atlas. Plus tard, Suzie
élabore elle-même un plan pour tricher avec l'un des croupiers
grâce une boule truquée pour la roulette.
Jacques
Dutronc est magnifique en perdant chronique, basculant d'une table à
l'autre pour jouer la forte somme qu'il vient de gagner. Il perd la
boule dès qu'il a quelques jetons à poser sur la table, il
accomplit chaque fois le même rituel. Le film débute d'ailleurs par
l'un d'eux, une promenade nocturne sous le béton du casino, comme si
Elric se mettait à prier le dieu des jeux. Il joue les mêmes
chiffres y compris lorsqu'il perd. Barbet Schroeder filme cette folie
avec nonchalance pour finir avec un happy end, oui, définitivement
pas son meilleur film.
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