Quand
Armand (Félix Moati) porte le tchador, il devient Shéhérazade et
forcément, avec tout ce que ce prénom des 1001 Nuits évoque,
Cherchez la femme plonge dans l'idée du conte, de la fable
tout en s'appuyant sur un réalisme fort qui défraye la chronique
depuis des années maintenant et qui donne souvent des films qui
« dénoncent » ou tout au moins qui tentent de le faire
avec une mise en scène souvent d'une balourdise peu convaincante.
Shéhérazade
pénètre dans l'appartement de la famille de Leïla (Camélia
Jordana) par la bande, et par bande, il faut entendre ce petit
rectangle au milieu du noir du tchador qui ne laisse voir que ses
yeux, les doux yeux de Félix Moati que la cinéaste Sou Abadi
s'était plu à si bien filmer en gros plan dans les scènes où il
est encore Armand, dans sa vie d'avant, celle d'un jeune étudiant
qui se prépare à partir en stage à New York avec Leïla, sa petite
amie.
Dans
cet appartement de banlieue, Leïla et son petit frère Sinna (Carl
Malapa) vivent tranquillement, bien bourgeoisement pourrait-on dire,
entre famille et amis quand débarque abruptement, en début de film,
celui par qui le conte est obligé d'être lancé, le deuxième
frère, Mahmoud (William Lebghil), aussi déguisé qu'Armand le sera,
mais en apprenti radical, calot sur la tête, longue barbe et cerveau
rempli des messages des prédicateurs rencontrés au Yemen.
C'est
un jeu à trois, un étrange triangle amoureux qui se dessine, tel
une comédie du mariage, Armand aime Leïla, Leïla aime Armand,
Mahmoud aime Shéhérazade, donc Armand. Avec un sujet aussi
casse-gueule, le film prend des précautions pour ne se prendre les
pieds et jouer sur les quiproquos, les portes qu claquent et celles
que ferme Mahmoud à sa sœur, la retenant dans l'appartement,
brûlant son passeport pour qu'elle ne puisse pas partir chez le
Grand Satan.
Shéhérazade
va raconter des histoires à Mahmoud, il va expliquer l'Islam (il
achète tout ce qu'il peut trouver dans une librairie), lui sortir
quelques beaux versets. Shéhérazade c'est le visage masqué et
Armand le cerveau, l'art ment. Mentir pour ne pas révéler la
vérité au frère barbu mais dire une autre vérité quand Mahmoud
sort des propos péremptoires, avoir toujours une réponse qui
contredit ce qu'il affirme pour le modifier en douceur avec ses yeux
charmants.
Hors
de l'appartement, Armand tente de survivre avec ses parents exilés
iraniens, deux intellectuels qui vivent dans le 16e arrondissement,
la mère (Anne Alvaro) pasionaria féministe et le père (Miki
Manojlovic) écrivain. Armand, quand il est Shéhérazade, est
surveillé par les trois potes de Mahmoud dans des courses poursuites
hilarantes au début puis empreintes d'une tension affirmée quand
les trois pieds nickelés deviennent envahissants.
Comme
Armand et ses parents, Sou Abadi est une exilée iranienne. Il est
possible après Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent
Peronnaud puis Nous trois ou rien de Kheiron d'établir une
filmographie de ces cinéastes venus d'Iran raconter leur monde,
notre monde, avec tant d'ironie et de conscience politique, on peut
accrocher à ces films Jacky au royaume des filles de Riad
Sattouf, également une fable sur la tolérance.
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