Tourné
juste avant mai 1968, La Grande lessive (!) cause de deux
révolutionnaires, un prof de français au langage châtié, Armand
Saint Just (Bourvil) et un prof de gym, Missenard (Roland Dubillard)
au parlé bien plus relâché, qui décident, de concert, de
s'attaquer au grand Mal de la France du Général de Gaulle : la
télévision. Ce petit écran, comme le montre si habilement le
générique d'ouverture avec ses musiques cacophoniques, qui aspire
toute l'énergie de ceux qui le regardent.
Jean-Luc
Godard dira bien plus tard, dans les années 1980 celles de ses
slogans choc et chic, que la télévision est arrivée dans les
foyers en même temps que les poubelles (avant, rien n'était jeté),
histoire de bien faire comprendre que la télé, c'est du déchet
d'images. Jean-Pierre Mocky n'allait pas aussi loin, il fait
coïncider l'épuisement des enfants sur les bancs de l'école avec
le temps excessif passé devant les programmes. Saint Just s'entraîne
dans le gymnase de son lycée pour accomplir sa mission.
Il
lui faudra des forces pour grimper sur les toits de son immeuble pour
asperger d'un liquide fabriqué par son complice Benjamin (Jean
Tissier), chimiste patenté. Le résultat est immédiat : un
orage électro-magnétique provoque des perturbations sur les
antennes. La télévision tombe en panne, les visages se déforment,
le son s'évanouit. Saint Just jubile. De la fenêtre de son
appartement, il interpelle un gamin, l'un de ses élèves, le jeune
Pichet, ravi de pouvoir enfin apprendre la fable de Jean de la
Fontaine pour ses devoirs.
Un
voisin du professeur de français a repéré le petit manège. Il
s'agit du docteur Loupiac (Francis Blanch) affublé d'une incroyable
perruque blonde, habillé de sa seule blouse blanche. Il fait très
chaud dans l'immeuble, l'autre côté de l'immeuble est au contraire
glacé, tout le monde s'habille comme en hiver, cela est un des gags
récurrents du film, le gérant a dépensé tout l'argent de la
co-propriété au tiercé. Malhonnête jusqu'au bout, Loupiac voulait
faire chanter les deux enseignants et s'empare des sulfateuses
anti-télé.
Le
chantage tourne court. Loupiac, contraint forcé, va suivre Saint
Just et Missenard dans leur révolution anti télé et provoquer la
colère de la brigade radiophonique. Ce sont d'abord deux flics
typiques du cinéma de Mocky qui sont à l'œuvre : les
inspecteurs Toilu (Marcel Pérès) et Barbic (Jean-Claude Rémoleux),
ce dernier fredonnant après chaque réplique le refrain de
Marinella. Encombrants et incompétents, ils ont bien du mal à
poursuivre correctement le trio qui s'affaire sur les toits et qui
leur échappe à chaque occasion.
Comme
dans tous les films de Jean-Pierre Mocky, les personnages sont des
écrins pour les acteurs. Bourvil jouait habituellement les simples
d'esprit (chez Gérard Oury par exemple), dans La Grande lessive
(!), il sort des phrases en latin, s'offusque du langage
outrancier de Missenard (Dubillard venait lui du théâtre) et de la
mauvaise conduite de Loupiac qui ne peut pas s'empêcher de mettre
ses mains baladeuses sur les fesses de toutes les dames qu'il
croisera. Ce trio est aussi désaccordé qu'une comédie loufoque
peut en proposer, des pieds nickelés hilarants.
De
toit en toit, de couloir en couloir et d'appartement en appartement,
le trio croise des personnages hauts en couleur, parmi eux le très
distingué Delaroque (Michael Lonsdale), ivrogne contrarié par son
épouse (Alix Mahieux) snobinarde étriquée. Le trio s'incruste chez
eux, pique ses costards et commence à picoler, assez vite rejoint
par le commissaire Aiglefin (RJ Chauffard), truculent excité qui
doit les arrêter pour satisfaire son arrogant et cynique patron
(Jean Poiret). Le gag bonus du film : la sirène fantaisiste du
camion de police qui arrive.
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