C'est
dans Les Compagnons de la marguerite que Claude Rich avait
trouvé son premier vrai premier rôle. Il avait jusqu'alors fait de
nombreux seconds rôles extrêmement marquants et toujours couronnés
d'un attrait ineffable. Il jouait à merveille un jeune dandy snob
dans Les Tontons flingueurs de Georges Lautner, le jeune
Antoine qui « commençait à me les briser menu » dira
Lino Ventura. Un Renoir (Le Caporal épinglé), un Duvivier
(Le Diable et les dix commandements), un Truffaut (La
Mariée était en noir) Deville (Ce soir ou jamais, en duo
avec Anna Karina, et dans le premier rôle).
C'est
sa voix étrange qui m'a toujours marquée, totalement à l'opposé
de celles de ses camarades de la même époque (Belmondo, Noiret,
Rochefort, Marielle). Une voix un peu lente, toujours précise,
vaguement aigrelette faite de petites intonations. Dans ce film de
Jean-Pierre Mocky, sa voix fleure le parfait fonctionnaire. Matouzec
dit Matou travaille aux archives de la Bibliothèque Nationale. Avec
son collègue Flamand (Roland Dubillard), il restaure les vieux
parchemins, les papiers anciens. Preuves à l'appui, avec une bougie,
ses lunettes chaussées, un peu de sable, une plume, il parvient à
imiter toutes les écritures de toutes les époques.
Heureux
au travail, malheureux en amour. Matou est mariée à Françoise
(Delphine Rich). Chaque soir quand il rentre, elle a le nez collée
sur l'écran de télévision (ce qui donnera sans doute à Mocky
l'idée de La Grande lessive), elle ne discute jamais avec lui
« chut ! » fait-elle bruyamment, elle ne partage pas
son lit, « j'ai perdu 80 grammes aujourd'hui » dit-elle
avant d'éteindre la lumière. Ce malheur, Jean-Pierre Mocky le
décrit avec un brin d'ironie amorçant ce qui va suivre, l'idée de
génie qu'a Matou. Il va se débarrasser de son épouse Françoise,
non pas en la liquidant, mais en modifiant le registre de mariage (ou
le « ré-gistre » comme le dit Michael Londasle dans une
scène) et les états civils.
Le
voilà qui passe une petite annonce qui fait grand bruit puisque le
commissaire Rudel (RJ Chauffard) de la police des us et coutumes va
charger ses meilleurs éléments (enfin les pires, sinon on ne
s'amuserait pas devant le film) sur la piste de Matou. Soit Papin
(Michel Serrault) et Leloup (Francis Blanche), qui crie au loup à
chaque ennui devant lequel il se trouve. L'annonce proposait, en des
termes très posés, que Claude Rich énumère avec délectation et
ce petit sourire en coin, l’œil brillant qu'on lui connaissait
bien, les tenants et aboutissants du contrat. Les époux et les
épouses sont échangés, tout sera « légal » et sans
frais. Leloup va donc échanger sa femme Martine (Paola Pitagora)
contre Françoise.
C'est
un jeu du chat et de la souris, entre le matou et le loup, que va
mettre en place Jean-Pierre Mocky. Avec ses habituels personnages
bancals et ses situations burlesques. Le personnage de Michel
Serrault qui ne rêve que de devenir jardinier quand sa femme
Paulette (Micha Bayard) le voit en super flic. Il va la refiler au
commissaire de police. On retrouve ses gueules, Jean-Claude Remoleux
et Marcel Pérès abattent des pigeons sur les terrasses du
commissariat et les font rôtir dans les armoires. Le film perd un
peu de sa vigueur dans la dernière partie, il tourne en rond
gentiment mais Claude Rich, surtout face à Francis Blanche, est une
incongruité épatante dans l'univers du cinéaste.
La
même année que Les Compagnons de la marguerite, Claude Rich
tourne Je t'aime je t'aime où il se love tout à fait dans
les étranges rêveries d'Alain Resnais (le film était en
compétition officielle du Festival de Cannes 1968). Il tournera
beaucoup de films, encore et toujours des seconds rôles, dans des
petites ou grosses productions. Valérie Lemercier lui offrira un
rôle de vieil homo dans Le Derrière,
il avait pour amant Dieudonné. Alain Chabat lui fera incarner
Panoramix dans son Astérix et Obélix Mission Cléopâtre.
Bruno Podalydès lui donnera le rôle du juge dans ses deux
adaptations de Gaston Leroux. Claude Rich est mort jeudi 20
juillet à 88 ans.
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