Trois
mondes se superposent dans Le Caire confidentiel, se côtoient
sans se rencontrer ni parvenir à s'entendre. Tout en haut,
l'aristocratie égyptienne, les riches amis du Président Moubarak
qui vivent dans l'impunité la plus totale représentée par un homme
d'affaires, Shafiq (Ahmed Hefny) dont la maîtresse est assassinée
dans un hôtel de luxe. Dans cet hôtel, une femme soudanaise,
clandestine, est témoin indirecte (elle n'a rien vraiment vu, mais
tout entendu) de la mort, Salwa (Mari Malek) vit dans un quartier
insalubre du Caire, elle uincarne le prolétariat malléable à merci
par les riches (Shafiq habite en bord de mer, dans une luxueuse
villa, arrosant son golf privé tandis qu'elle dort sur un matelas
avec une de ses compatriotes). Et au milieu le commissaire Nourredine
Mostafa (Fares Fares), classe moyenne, veuf, solitaire, fumant clope
sur clope (on n'arrête pas de tirer sur les cigarettes dans le film)
qui va mener l'enquête.
En
passant d'un monde à l'autre à bord de sa voiture, menant ses
investigations avec un ton nonchalant (scène hallucinante de
découverte du corps où le médecin légiste fume sur le lit à côté
de la victime en attendant son petit déjeuner), Nour croise l'Egypte
de la rue qui le fait vivre grâce aux pots de vin qu'il récolte des
commerçants. C'est la corruption qui gangrène tout le pays, à tous
ses niveaux. On voit passer des liasses de billet autant que des
cigarettes qui s'allument. L'oncle de Nour, le placide Kamal Mostafa
(Yasser Ali Maher) qui avait placé son neveu à ce poste, à ces
responsabilités, à ces récoltes d'argent, ne tient pas à ce que
l'enquête fasse de vague. D'autant que la sûreté de l'Etat a
classé l'affaire en suicide. Logiquement, pour garantir ses petites
affaires, il décharge le neveu de l'enquête.
Petit
à petit ces trois mondes vont s'effondrer. Tarik Saleh filme cet
effondrement dont on sait qu'il va arriver en égrainant le compte à
rebours de la chute de Hosni Moubarak. Le cinéaste suédois clame
l'aspect politique à chaque scène, mais force parfois en vain à
faire coïncider son histoire avec la grande Histoire. C'est Fares
Fares, star du cinéma suédois (oui, le film est suédois en
co-production avec l'Allemagne et le Danemark et tourné au Maroc)
avec son grand corps fatigué, son visage las, son regard grave qui
emporte le morceau surtout quand Tarik Saleh le fait sortir des
sentiers battus du film policier, qu'il filme son quotidien (je crois
que la référence ultime est Le Privé de Robert Altman) et
son obstination à révéler des choses qui vont l'entraîner dans sa
chute irrémédiable.
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