Du
passé d'Olivier (Gérard Depardieu) qui débarque Gare d'Austerlitz,
on ne saura qu'une chose, il a travaillé dans les abattoirs (en fin
de film on le voit d'ailleurs aller inspecter l'un d'eux). Il grimpe
sur sa mobylette et traverse Paris à la recherche de son ami Mario
qui passe son temps dans les bistros. Mario embarque Olivier dans ses
combines. Aller sonner chez des gens, faire croire qu'ils vendent des
bouquins, mais surtout repérer les appartements vides pour aller
cambrioler.
C'est
dans un quartier sans passants qu'ils aperçoivent que le quatrième
étage de cet immeuble a les volets clos, il ne leur en faut pas plus
pour aller au cinquième, sonner à la porte et se faire ouvrir par
Ariane (Bulle Ogier) qui les invite chez elle, non pas pour acheter
des bouquins mais parce qu'elle a un problème de tuyauterie. Sa
baignoire fuit. Mario et Olivier réparent ce petit souci ménager,
s'en vont gentiment et entrent par effraction dans l'étage du
dessous.
L'idée
merveilleuse de Barbet Schroeder pour faire visiter l'antre secrète
d'Ariane est de laisser la lumière éteinte, les deux gars, torche à
la main, découvrent des objets dont ils n'avaient sans doute jamais
entendu parler. Menottes, chaînes, masques, cravaches, talons très
hauts, croix de Saint-André, cagoules, tenues en latex. La parfaite
panoplie du SM est devant leurs yeux mais à peine visibles, dans une
obscurité mystérieuse.
Entre
les deux étages d'Ariane, celui où elle vit, ouvert sur le jardin,
sur les arbres, aux grandes fenêtres et celui où elle pratique ses
activités de maîtresse de bondage aux couleurs criardes, se trouve
un escalier amovible. Elle le descend en majesté pour surprendre ces
deux visiteurs, alertée par son doberman qui répond au doux nom de
Texas. Si Mario s'enfuit en courant, Olivier reste et se permet même
d'inviter Ariane au restaurant.
La
belle scène de découverte des objets du SM était la théorie,
Maîtresse passe maintenant à la pratique. C'est l'aspect
documentaire qui rend le film aujourd'hui encore regardable. La
blonde Ariane revêt son latex et une perruque brune et va accomplir
ses sévices sur ses clients et clientes. Même en pleine période de
triomphe du porno comme l'était l'année 1976 (près de 20% des
sorties en salles), ce réalisme, grâce aux performances de Bulle et
Depardieu, impressionne encore maintenant.
Ce
sado-masochisme est une histoire de mise en scène, de contrat entre
les protagonistes (l'un des clients dira à Olivier venu le
questionner que ce n'est pas dans le contrat). Avant de rentrer en
scène, Ariane se maquille longuement dans sa loge. Barbet Schroeder
multiplie dans Maîtresse les miroirs, les reflets, rappelant
la distance entre la réalité et le fantasme. Les parties de bondage
sont également très codifiées, celle du château où le
propriétaire déguisé en valet est la quintessence de ces codes.
Le
personnage d'Olivier est un candide, comme le spectateur de
Maîtresse. Sa romance avec Ariane est également un contrat.
Ils passent du temps au lit, à se promener en décapotable (ils se
disputent pour savoir qui aura le volant, donc la maîtrise du récit,
c'est assez fascinant), mais ils sont à égalité, elle est aussi
costaude que lui (elle lui donne même un coup de boule), ils
deviennent complices jusqu'à ce qu'il veuille en savoir plus sur sa
vie et son passé.
Dans
l'appartement, Ariane est aidée par Lucienne (Nathalie Keryan),
toujours vêtue de noir, peu loquace, à la fois femme de ménage et
secrétaire (incroyable scène où elle nourrit le chien puis verse
du canigou pour un des « clients » d'Ariane). Comme si
cela ne suffisait pas, le récit s'encombre de Monsieur Gautier
(Holger Löwenadler) pour encore épaissir le mystère de la vie
d'Ariane. Mystère que veut percer à toute force Olivier mais qui
tourne en rond.
Une
source pour Maîtresse pourrait être Belle de jour, je
pense à la séquence de SM que doit observer Catherine Deneuve,
François Maistre se fait punir par l'une des filles. Ce serait, dix
ans plus tard, un Belle de jour actualisé, bien plus cru que
Luis Buñuel n'aurait pu le tourner. C'est peut-être aussi pour cela
que Manoel de Oliveira engagea Bulle Ogier en 2006 dans Belle
toujours pour reprendre le rôle, mais ceci est une autre
histoire.
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