mercredi 5 juillet 2017

Maîtresse (Barbet Schroeder, 1976)

Du passé d'Olivier (Gérard Depardieu) qui débarque Gare d'Austerlitz, on ne saura qu'une chose, il a travaillé dans les abattoirs (en fin de film on le voit d'ailleurs aller inspecter l'un d'eux). Il grimpe sur sa mobylette et traverse Paris à la recherche de son ami Mario qui passe son temps dans les bistros. Mario embarque Olivier dans ses combines. Aller sonner chez des gens, faire croire qu'ils vendent des bouquins, mais surtout repérer les appartements vides pour aller cambrioler.

C'est dans un quartier sans passants qu'ils aperçoivent que le quatrième étage de cet immeuble a les volets clos, il ne leur en faut pas plus pour aller au cinquième, sonner à la porte et se faire ouvrir par Ariane (Bulle Ogier) qui les invite chez elle, non pas pour acheter des bouquins mais parce qu'elle a un problème de tuyauterie. Sa baignoire fuit. Mario et Olivier réparent ce petit souci ménager, s'en vont gentiment et entrent par effraction dans l'étage du dessous.

L'idée merveilleuse de Barbet Schroeder pour faire visiter l'antre secrète d'Ariane est de laisser la lumière éteinte, les deux gars, torche à la main, découvrent des objets dont ils n'avaient sans doute jamais entendu parler. Menottes, chaînes, masques, cravaches, talons très hauts, croix de Saint-André, cagoules, tenues en latex. La parfaite panoplie du SM est devant leurs yeux mais à peine visibles, dans une obscurité mystérieuse.

Entre les deux étages d'Ariane, celui où elle vit, ouvert sur le jardin, sur les arbres, aux grandes fenêtres et celui où elle pratique ses activités de maîtresse de bondage aux couleurs criardes, se trouve un escalier amovible. Elle le descend en majesté pour surprendre ces deux visiteurs, alertée par son doberman qui répond au doux nom de Texas. Si Mario s'enfuit en courant, Olivier reste et se permet même d'inviter Ariane au restaurant.

La belle scène de découverte des objets du SM était la théorie, Maîtresse passe maintenant à la pratique. C'est l'aspect documentaire qui rend le film aujourd'hui encore regardable. La blonde Ariane revêt son latex et une perruque brune et va accomplir ses sévices sur ses clients et clientes. Même en pleine période de triomphe du porno comme l'était l'année 1976 (près de 20% des sorties en salles), ce réalisme, grâce aux performances de Bulle et Depardieu, impressionne encore maintenant.

Ce sado-masochisme est une histoire de mise en scène, de contrat entre les protagonistes (l'un des clients dira à Olivier venu le questionner que ce n'est pas dans le contrat). Avant de rentrer en scène, Ariane se maquille longuement dans sa loge. Barbet Schroeder multiplie dans Maîtresse les miroirs, les reflets, rappelant la distance entre la réalité et le fantasme. Les parties de bondage sont également très codifiées, celle du château où le propriétaire déguisé en valet est la quintessence de ces codes.

Le personnage d'Olivier est un candide, comme le spectateur de Maîtresse. Sa romance avec Ariane est également un contrat. Ils passent du temps au lit, à se promener en décapotable (ils se disputent pour savoir qui aura le volant, donc la maîtrise du récit, c'est assez fascinant), mais ils sont à égalité, elle est aussi costaude que lui (elle lui donne même un coup de boule), ils deviennent complices jusqu'à ce qu'il veuille en savoir plus sur sa vie et son passé.

Dans l'appartement, Ariane est aidée par Lucienne (Nathalie Keryan), toujours vêtue de noir, peu loquace, à la fois femme de ménage et secrétaire (incroyable scène où elle nourrit le chien puis verse du canigou pour un des « clients » d'Ariane). Comme si cela ne suffisait pas, le récit s'encombre de Monsieur Gautier (Holger Löwenadler) pour encore épaissir le mystère de la vie d'Ariane. Mystère que veut percer à toute force Olivier mais qui tourne en rond.

Une source pour Maîtresse pourrait être Belle de jour, je pense à la séquence de SM que doit observer Catherine Deneuve, François Maistre se fait punir par l'une des filles. Ce serait, dix ans plus tard, un Belle de jour actualisé, bien plus cru que Luis Buñuel n'aurait pu le tourner. C'est peut-être aussi pour cela que Manoel de Oliveira engagea Bulle Ogier en 2006 dans Belle toujours pour reprendre le rôle, mais ceci est une autre histoire.























Aucun commentaire: